La mystérieuse cité perdue des Incas
Que vous arriviez à pied ou en train, le Machu Picchu ne vous laissera certainement pas indifférent. Perdu en plein coeur d'une forêt tropicale, niché au creux d'une boucle du rio Urubamba, perché au sommet d'une montagne, le site se dévoile dans toute sa splendeur au voyageur au détour d'un simple sentier.
Il faut dire que ce site intrigue et fascine à la fois avec ses nombreux mystères : pourquoi avoir choisi un tel emplacement si loin de tout ? comment des hommes ont-ils pu construire une telle cité au sommet d'une montagne ? à quoi servait ce site ? pourquoi a-t-il été abandonné si rapidement ? comment a-t-il résité à la conquête espagnole et aux ravages du temps ?
Un peu d'histoire ...
Probablement construit sous le règne de Pachacuti Yupanqui, le 9ème empereur inca, la cité aurait très vraisemblablement accueillie plusieurs centaines d'habitants au temps de sa splendeur. Elle était alors dotée d'équipements aussi divers que des terrasses cultivées, un système d'écoulement des eaux, des temples, un observatoire astronomique, des greniers, des fontaines et des bains.
La cité est rapidement abandonnée suite à la chute de la ville de Cusco en 1534 et à celle de l'empereur Thupa Amaru en 1572. Elle sombre alors progressivement dans l'oubli pour près de 3 siècles...
En 1874, le cartographe allemand German Göhring est le premier à évoquer à nouveau le nom du site et celui de Wayna Picchu dans le cadre d'une mission pour le compte du gouvernement péruvien. 26 ans plus tard, le paysan Agustin Lizarraga s'installe dans les environs et, au cours de son exploration à la recherche de terres agricoles, il arrive jusqu'au Machu Picchu. D'autres paysans du coin connaissent également l'existence de ce site.
Au début du 20ème siècle, le professeur nord-américain Hiram Bingham, qui effectuait alors des recherches sur les campagnes militaires de Simon Bolivar en Amérique du Sud, se passionne pour la culture inca. Accompagné du sergent de police et traducteur Carrasco, il part de Cusco et traverse la Vallée Sacrée (appellation actuelle) en direction de la rivière Urubamba. Les deux hommes arrivent à un endroit appelé Mandorpampa dans la hacienda Cutija où ils rencontrent le paysan Melchor Arteaga. En échange d'1 sol (monnaie péruvienne), celui-ci leur indique l'existence de ruines au sommet de la "Vieille Montagne" (la traduction de Machu Picchu). Bingham et Carrasco se mettent en route et, à l'issue d'une pénible ascension, rencontrent deux familles de paysans : celle d'Anaclaeta Alvarez et celle de Toribio Richarte. Les deux familles vivent là et travaillent la terre sur quelques terrasses de la partie basse à l'Ouest de la cité inca. Mais c'est un enfant (le fils d'une des deux familles) qui guide les deux hommes jusqu'aux ruines archéologiques. Ils arrivent plus précisément à la "Tombe Royale", puis se rendent au "Temple Principal" et au "Temple des 3 Fenêtres". Nous sommes le 24 juillet 1911, le Machu Picchu refait son entrée dans l'Histoire.
Hiram Bingham réalisa en 1912 une nouvelle expédition en compagnie de spécialistes en ostéologie, sciences naturelles, fouilles archéologiques, topographie, et d'assistants pour explorer, déboiser et réaliser des recherches archéologiques. Ce travail se faisait sous la protection de l'Université de Yale et la National Geographic Society. Un peu plus tard, l'Etat péruvien pris en charge la conservation du site par le biais de l'Institut National de Culture de Cuzco.
Le Machu Picchu est désormais un Héritage Culturel péruvien, un monument du Patrimoine Mondial de l'Humanité et une des 7 nouvelles Merveilles du monde moderne. Mais avec 450 000 visiteurs annuels, le site archéologique inca est dans le même temps menacé par la surfréquentation et le climat obligeant le gouvernement à imposer des quotas pour la visite du site.
Que voir ?
Un parcours parmi d'autres débute devant la porte d'entrée principale de la cité. C'est de là que part le Qhapaq Ñan ou "Chemin de l'Inca", la colonne vertébrale de l'Empire. Et c'est de là que l'on pénètre dans la cité. Il est probable qu'il existait jadis une porte à cet endroit, comme en témoigne l'anneau de pierre et les deux renfoncements sur le mur extérieur.
On pénètre alors dans la "ville haute" appelée ainsi parce qu'elle surplombe l'esplanade. Cette esplanade coupe la cité en deux : la ville haute qui occupe le sommet de la montagne et la ville basse implantée sur ses flancs. Chacune regroupe plusieurs "quartiers".
Une petite ruelle s'écarte de la porte principale pour gagner le coeur de la cité. Elle est bordée de part et d'autre par de nombreux bâtiments assez bien conservés. De temps en temps, le seuil d'un d'entre eux laisse apercevoir en contrebas d'autres vestiges tout aussi bien préservés.
En suivant ces ruelles, le visiteur débouche sur un site non aménagé, presque sauvage. De gros blocs de pierre gisent ça et là, sans aucun ordre apparent. Il s'agit en fait d'une carrière qui a servi à la construction des différents édifices et monuments. Les incas ont su tirer partie des matériaux immédiatement disponibles pour bâtir cette cité au sommet de la montagne.
De là, on dispose également d'un beau panorama sur le site et les montagnes qui le bordent : le Wayna Picchu ou "jeune montagne" (sur la première photo) et le Machu Picchu ou "vieille montagne" (sur la seconde photo).
Il n'y a que quelques pas à faire pour rejoindre le "jardin botanique". Plusieurs plantes y cohabitent dans un espace relativement exigu, espace également fréquenté par les lézards.
Puis on pénètre dans le quartier religieux avec respectivement : la Maison du Prêtre, la place sacrée, le Temple des Trois Fenêtres (et ses blocs de pierre impressionnants), le Grand Temple et ses 7 niches et la sacristie.
Depuis l'entrée de la sacristie, la vue sur la vallée est pour le moins dégagée et ... plongeante. Gare au vertige!
La visite se poursuit par la montée d'une série de marches conduisant à l'Intiwatana ou observatoire astronomique. C'est le point le plus élevé de la cité. De là haut, le panorama sur le site est superbe : ruines des villes haute et basse, grande esplanade, terrasses, montagnes et Porte du Soleil sur la ligne de crête. Le fort dénivelé est également perceptible au travers les nombreuses terrasses agricoles.
Au sommet de l'observatoire, sur une plateforme, se dresse un bloc de pierre taillé. Ressemblant à une sorte de table, il s'agirait vraisemblablement d'un calendrier solaire.
L'étape suivante amène le visiteur à descendre un ensemble de terrasses au moyen d'escaliers relativement étroits. La montée de l'observatoire n'était pas forcément évidente pour quiconque a le vertige, la descente l'est encore moins. Aucune difficulté en revanche pour ceux épargnés par ce mal.
Parvenus sur le plancher des lamas (enfin des vaches), il reste à traverser de part en part l'esplanade.Celle-ci constitue une sorte de frontière invisible entre les deux parties de la cité : les lieux du pouvoir (politique et spirituel) sont rassemblés sur les « hauteurs » tandis que les milieux économiques et intellectuels occupent plutôt les versants de la montagne. Cette affirmation souffre bien entendu d'un certain nombre d'exceptions.
Cette vaste étendue herbeuse est en outre fréquentée par plusieurs lamas qui veillent au quotidien à l'entretien et à la préservation du site. C'est en effet partiellement grâce à eux que la végétation reste rase et n'abîme pas les vestiges archéologiques environnants. Consciencieux, méthodiques et dévoués, ces compagnons semblent d'ailleurs faire peu attention aux touristes et au panorama exceptionnel qui les entourent, trop absorbés qu'ils sont par leur mission...
Nous clôturons ici la visite de la ville haute et entamons celle de la ville basse.
A partir de là, un petit chemin en terre battue conduit au Groupe de la roche sacrée. Le nom de cet endroit s'explique par le fait qu'une roche gisant là reproduit assez fidèlement la montagne qui lui fait face.
Mais cette zone est aussi intéressante en raison de ses deux édifices au toit de chaume reconstitué. Ils permettent de se faire une meilleure idée de l'aspect extérieur des bâtiments de la cité à l'époque inca.
Le parcours classique mène ensuite vers le groupe des Trois Portes en passant par le quartier du Temple de la Lune. En l'absence de guide et d'explications, les lieux vous sembleront une nouvelle fois bien mystérieux et énigmatiques :
De cette partie de la visite, je retiendrais avant tout la topographie insolite du site et l'audace de ses constructeurs. Les constructions épousent à merveille le relief. Elles ne font quasiment qu'un avec lui. Peu importe les « obstacles » naturels ou la déclivité exceptionnelle de la pente.
Ce faisant, la ville donne l'impression d'être à la fois très étendue et très compacte. Curieux paradoxe.
Ce sentiment partagé est soigneusement entretenu par la forte proportion de bâtiments à deux étages (par comparaison avec la ville haute).
L'urbanisme est malgré tout plutôt homogène. L'architecture exploite soit le impérial (grosses pierres), soit le provincial (pierres plus petites) ; et accorde une large place aux espaces naturels.
Je continuerai en évoquant quelques endroits supplémentaires dignes d'intérêt :
- le temple du Condor à l'architecture invraisemblable : une pierre gravée sur le sol évoque la tête de l'animal tandis que deux roches dessinent ses ailes. Le corps du monument est quant à lui extrêmement déstructuré.
- la rue des fontaines : elle est constituée d'une enfilade de petits bassins situés les uns en dessous des autres et communiquant entre eux par de petites rigoles.
- La tour centrale et le tombeau d'un grand Inca situé dans la caverne au-dessous.
Cette boucle se termine en traversant les terrasses agricoles et en rejoignant la sortie. En amont, il ne faut pas oublier de jeter un coup d'oeil à la cabane du gardien d'où il est conseillé d'assister au lever de l'astre solaire. Derrière, s'étend la fabuleuse cité inca. Devant, les greniers.