Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le tour du monde en 80 clics
4 décembre 2012

Expédition kayak dans l'Arctique norvégien

Cet article est le deuxième d'une série consacrée à une expédition kayak au Spitzberg, dans l'Arctique norvégien. Nous présenterons ici en 3 points cette contrée sauvage et largement méconnue, digne des romans de Jack London.

Le Spitzberg est le nom de la plus grande île de l'archipel du Svalbard. Il est situé à 637 kilomètres du Cap Nord, le cap le plus septentrional de la Norvège, et à 1 020 kilomètres au-dessous du Pôle Nord, entre 74° et 81° de lattitude nord. Plus que les mots, la carte ci-dessous vous permettra de mieux localiser cette île.

Carte du Spitzberg

Le Spitzberg est l'un des derniers territoires sauvages de la planète

Seulement 2 510 habitants peuplaient les 39 000 km² de l'île en 2011, essentiellement des Norvégiens et des Russes. Si on ajoute que parmi eux, 2 020 habitaient la capitale Longyearbyen et 420 la ville russe de Barensburg, on se rend immédiatement compte de la très faible densité de peuplement de cette terre. Où vivent le reste des habitants ? Dans de petits hameaux parfois abandonnés, dans une des bases scientifiques de l'île ou dans une cabane de trappeurs. Vous pouvez donc passer des journées entières sans croiser le moindre être-humain.

L'Adventfjord et la ville de Longyearbyen    Le centre-ville de Longyearbyen, les montagnes de l'Adventfjord et Adventdalen

La montagne (939m) et la ville de Pyramiden au fond du Billefjord    Une cabane de Harald l'un des derniers trappeurs du Spitzberg - Dicksonland

La Nature est reine au Spitzberg : mers, glaciers, montagnes, fjords et toundra composent l'essentiel du paysage. Les troncs d'arbres échoués sur les plages et provenant de Sibérie sont également omiprésents. Impossible donc d'échapper à cette nature sauvage où que vous vous trouviez sur l'île.

La plaine de Sauriedalen et Siklarhallet couvertes de toundra, le Kapp Thordsen et la rive sud de l'Isfjord vus depuis Tschermakfjellet    Le glacier Nansen

Les traces d'occupation humaine restent globalement assez restreintes et les infrastructures sont réduites au strict minimum. L'île ne possède par exemple qu'une seule véritable route qui relie la capitale à l'aéroport. Partout ailleurs, il faut emprunter un avion, un bateau ou une motoneige pour se déplacer d'un point à un autre. Cela ne doit pas amener à penser que l'ensemble des habitants vivent dans des conditions drastiques. Ceux de la capitale bénéficient par exemple d'un supermarché, d'un centre commercial, d'établissements scolaires dont une université, d'établissement de santé et même d'un hôtel Radisson. Pour les autres, la vie est un peu plus ... rude.

Motoneiges devant le glacier de Longyear - Vue depuis Nybyen    L'UNIS (Université du Svalbard et musée)

Dans ce contexte, le raid kayak de 18 jours auquel j'ai participé en août 2011 nécessitait une logistique assez lourde couplée à l'expérience indiscutable de l'agence Svalbard Nature. Les 12 autres participants et moi-même devions en effet être autonomes durant les 6 premiers jours de notre voyage. Un dépôt nous permettait alors de nous ravitailler et de reconstituer nos stocks pour être autonomes 12 jours supplémentaires. Nous disposions à cette fin de nourriture en abondance (des pâtes et du riz bien sûr, mais aussi des boites de conserve et de la nourriture lyophilisée, des denrées à durée de conservation suffisamment longue et peu périssables, ...), de tentes, d'un réchaut et de pétrole, d'outils, d'un téléphone satellite, ... Pourquoi d'outils ? Dans chaque camp, il nous fallait utiliser scies et marteaux pour construire à partir des troncs d'arbres échoués un mobilier sommaire mais indispensable (bancs et tables). A plusieurs reprises, nous avons enfin passés plusieurs jours sans croiser la moindre personne. Nous ne devions donc pouvoir compter que sur nous-mêmes (et sur le téléphone satellite en cas d'urgence).

Installation de notre campement à proximité de Hagahytta    Haute gastronomie (flageollets et sauce) sur réchauds

Notre dernier campement à Brucebyen au pied des montagnes Campbellryggen    Préparatifs en attendant le Polargirl - Brucebyen

 

Le Spitzberg est un lieu magique

La magie de ce territoire provient tout d'abord de ses paysages insolites : fjords, glaciers, icebergs et blocs de glace à la dérive, phoques et rennes. Autant d'éléments qui font partie de notre imaginaire lorsque nous pensons au Grand Nord. Autant d'éléments que nous avons tous entraperçus au moins une fois dans les livres ou dans les documentaires sur les régions polaires. Se rendre au Spitzberg, c'est donc accéder, pénétrer, découvrir, observer, écouter, ressentir, expérimenter cet univers si différent du nôtre.

Un phoque barbu se prélassant sur un bourguignon devant le glacier Esmark    Un phoque barbu se prélassant sur un bourguignon devant le glacier Esmark

La toundra à Idodalen au pied de Kongressfjellet    L'entrée du Billefjord et ses montagnes

Mais la magie ne s'arrête pas là. Le Spitzberg est aussi une contrée du globe où se produisent des phénomènes naturels exceptionnels pour la plupart des habitants du globe. Combien d'entre vous ont en effet déjà assisté à la nuit polaire ou au soleil de minuit ? Concernant la première, il faut imaginer une terre où le soleil se couche un soir du début du mois de novembre pour ne plus se lever que trois mois et demi plus tard (la nuit polaire ou période d'obscurité durant environ un mois de moins). Pour ce qui est du soleil de minuit, que nous avons eu la chance d'expérimenter durant l'expédition, c'est tout le contraire : le soleil ne se couche jamais depuis la mi-avril jusqu'à la mi-août. 24h de jour en perspective. Je n'ai donc jamais vu la nuit durant mon séjour. Je suis arrivé à Longyearbyen le 7 août et le soleil n'est descendu pour la première fois sous la ligne d'horizon que le 23 août. Mais même le 23 août, il n'y avait pas de nuit (il fait encore jour en France quand le soleil vient juste de disparaître derrière la ligne d'horizon).

Vue sur le Nordfjord, le glacier Svea et Mediumfjellet depuis Tschermakfjellet    Vue sur le Nordfjord, le glacier Svea et Mediumfjellet depuis Tschermakfjellet

(photos prises à 2h52 le 20/08 et 00h30 le 22/08)

La principale conséquence du "soleil de minuit" (et de la nuit polaire par prolongement) est la perte des repères temporels. Durant l'expédition, nous nous sommes forcés à nous défaire de nos montres ou à ne plus en tenir compte. Personnellement, j'étais dans la deuxième situation. J'ai en effet souhaité garder la mienne pour consigner deux fois par jour dans mon carnet de voyage nos horaires de lever et de coucher. Mon objectif : observer la rapidité ou non avec laquelle nous abandonnions notre rythme de vie artificiel pour nous caler sur un rythme biologique plus naturel. J'ai toujours été étonné par cette perte de repères chez les personnes qui se retrouvaient coincées quelques jours dans des grottes ou des mines. Se livrer à cette expérience de manière volontaire a été incroyable et stupéfiant. Voici mes relevés pour 3 journées du raid :

- le 2nd jour, nous nous sommes levés à midi et nous sommes couchés à 2h le lendemain matin.

- le 10ème jour, nous nous sommes levés à 19h30 et nous sommes couchés à 10h20 le lendemain matin.

- le 14ème jour, nous nous sommes levés à 8h40 et nous sommes couchés à 4h40 du matin le lendemain matin.

Verdict : aucune régularité mais au contraire des périodes de veille et de sommeil variables d'un jour sur l'autre. Et une inversion assez rapide entre vie "diurne" et vie "nocturne" alors même qu'il n'y a pas de décalage horaire avec la France.

Le Spitzberg est un milieu hostile

Quelques jours avant mon départ, le 5 août précisément, un jeune Britannique a été tué par un ours blanc affamé. Les faits se seraient déroulés de la manière suivante d'après ce qu'a pu entendre mon guide : un groupe de jeunes Anglais effectuaient un séjour en autonomie dans l'Isfjord (la région autour de Longyearbyen). Chaque soir, ils montaient leur campement et entouraient celui-ci avec un filin relié à un système d'alarme. En théorie, tout ours qui traversait le camp tirait obligatoirement sur le filin en le franchissant et déclenchait automatiquement l'alarme. Les campeurs avaient alors le temps de récupérer une arme pour se protéger et effrayer le visiteur indésirable. Malheureusement, le système n'a pas fonctionné ce jour-là. L'ours s'est dirigé vers une tente probablement attiré par un peu de nourriture et s'est attaqué à la victime. La personne à côté de la victime n'a rien pu faire car l'arme qu'elle avait à sa disposition n'était pas chargée donc pas prête à l'emploi. Un enchainement d'évènements malheureux aux conséquences tragiques.

Rappelons qu'avec le réchauffement climatique, les glaces du Pôle Nord reculent de plus en plus année après année. Le phénomène est tel que les scientifiques estiment que la banquise disparaitra totalement l'été dans un avenir proche. Chaque année, des ours blancs se retrouvent ainsi prisonniers sur les îles du Spitzberg à cause du recul soudain de la banquise. Privés de leur garde-manger et de leur territoire de chasse, ils doivent donc passer l'été sur des terres pauvres en proies. Ils sont donc exposés de façon plus récurrentes à des épisodes de famine qui les fragilisent, les rendent plus agressifs et les incitent à se rapprocher des zones habitées.

Icebergs et bourguignons dérivant dans Nordfjord    Restes d'une carcasse d'ours blanc dévorée par les renards pendant l'hiver

L'ours polaire est par ailleurs le plus grand prédateur de la planète. Doté d'un odorat très développé, il est capable de détecter une proie à une très grande distance. Il faut ensuite louer sa grande intelligence qui le conduit par exemple à nager et plonger sous l'eau sur de très grandes distances afin de capturer sa proie par surprise. Certains ours auraient même parcouru plusieurs dizaines de kilomètres en nageant pour trouver de la nourriture.

Une empreinte d'ours blanc

Au Spitzberg, l'ours blanc peut être partout n'importe quand. C'est pourquoi les visiteurs ont besoin d'une autorisation spéciale du gouverneur de l'île pour quitter la capitale et d'un permis de port d'arme. Ils doivent emporter et porter en permanence une arme lorsqu'ils se déplacent. Bien sûr, il faut ensuite être prudent tout au long de la journée et en tout lieu ... même la nuit. Durant l'expédition, les 11 autres participants et moi-même devions monter à tour de rôle la garde une heure durant chaque nuit afin de protéger notre camp. Pour notre guide, seule la vigilance humaine (ou d'un chien) garantit la sécurité, la technologie souffre toujours de failles comme l'illustre la tragédie que nous venons d'évoquer. Les rôles étaient ainsi inversés : nous étions les proies, les ours les prédateurs. Insolite mais surtout effrayant. Avez-vous eu déjà la responsabilité de 12 autres vies ?

Notre troisième campement à Boremorenen (avant le cap Ratagen)    Le Nordfjord, Mediumfjellet, le glacier de Svea et notre quatrième campement sur la moraine du glacier

Pour terminer sur une note plus humoristique, je dirai que l'animal le plus agressif n'était cependant pas l'ours blanc mais les sternes. Ce sont des oiseaux extrêmement territoriaux qui nous attaquaient de leur bec en piquant droit sur nous en rafale dès que nous traversions leur territoire. Douloureuse expérience !

Publicité
Publicité
Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 32 117
Publicité
Archives
Publicité