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Le tour du monde en 80 clics
20 janvier 2018

Tibet, une culture en péril ?

 

 

 

 

 

Localisation du Tibet

Le Tibet...

Pour certains, il est une simple région autonome. Pour d'autres, il demeure un vrai pays.

Pour certains, il est un territoire à développer et mettre en valeur, un territoire riche en ressources naturelles qu'il convient d'exploiter. Pour d'autres, il est une terre sacrée ou qui abrite des lieux hautement sacrés (tels que le mont Kailash ou le Potala), berceaux de leur foi. Il est aussi un territoire dont on tente d'éradiquer les modes de vie et traditions pluri-centenaires sous couvert de pieuses intentions (le développement).

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Pour certains, il est un territoire qu'il faut coloniser au nom du progrès et de la modernité. Pour d'autres, il est une terre riche d'une longue tradition et d'une culture singulière. Toutes deux sont aujourd'hui ébranlées, voire menacées alors qu'elles devraient être respectées et préservées en tant que partie du patrimoine culturel mondial.

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Pour certains (enfin), il est un territoire à fort potentiel touristique, pour ne pas dire un territoire folklorique. Pour d'autres, il est un territoire vivant, contraint de s'adapter à l'évolution de nos sociétés sans sacrifier sa propre identité.

Entre les deux parties, les positions semblent difficilement conciliables. Pourtant, le temps joue imperceptiblement en faveur des premiers...

 

Dans la suite de cet article, nous passerons en revue différents aspects relatifs au Tibet. L'objectif est d'alimenter votre réflexion et de vous laisser vous faire votre propre opinon. Bien entendu, je ne peux que vous inciter à consulter d'autres sources, pour juger de l'objectivité des informations mentionnées ici et pour accéder à des informations plus récentes.

 

1. Sur le plan historique...

Les relations entre la Chine et le Tibet sont très anciennes puisque le 1er contact avéré entre les deux pays remonterait à 608. A cette date, une mission diplomatique tibétaine fut envoyée à la cour impériale chinoise afin d'établir une relation directe entre les deux états voisins.

Quelques années plus tard (entre 629 et 649), le souverain Songtsen Gampo unifia le Tibet en un grand royaume et en fit une puissance régionale majeure qui alla jusqu'à menacer l'Inde du Nord et l'Empire du Milieu. Pour calmer ses ardeurs, le Népal et la Chine offrirent au roi la main des princesses Bhrikuti et Wencheng, connues pour avoir introduit le bouddhisme au Tibet. C'est aussi à cette période que remonte la découverte de l'astronomie et la médecine chinoises sur le haut plateau.

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Une seconde figure historique nationale surgit à partir de 755 : le roi Trisong Detsen. Ce monarque conquérant attaqua Xian, la capitale chinoise, en 763 et il imposa à la Chine un tribut annuel de 50 000 rouleaux de soie. Il étendit aussi l'emprise de son royaume sur les provinces actuelles du Xinjiang, du Gansu et du Sichuan.

En 822, la Chine et le Tibet signèrent un traité délimitant leurs frontières respectives (à l'avantage du second) et garantissant leur respect mutuel par les deux parties. Une stèle portant les termes de ce traité est encore visible aujourd'hui dans un enclos devant le Jokhang à Lhassa.

Comme bien souvent, l'accord ne fut pas respecté très longtemps si bien qu'en 907, au moment de la disparition de la dynastie Tang, la Chine avait déjà récupéré la quasi-totalité des territoires annexés par le Tibet. Les contacts se firent plutôt rares durant la dynastie suivante, période durant laquelle le bouddhisme s'enracina durablement, et la "doctrine" pacifiste avec lui.

Puis vint la grande époque des Mongols qui se taillèrent un empire considérable aussi bien vers l'Orient que l'Occident. Ils furent à l'origine de la dynastie Yuan en Chine (1271-1368) et envahirent également le Tibet. Ils confièrent l'administration de ce dernier à l'un des fondateurs de l'école Sakyapa, le lama Sakya Pandita, qui devint à la fois le chef du bouddhisme tibétain et celui du pays. Ce système de cumul des pouvoirs temporel et spirituel devint la norme par la suite.

Veuillez noter que c'est ce dernier évènement qui sert parfois d'argument à l'actuelle République Populaire de Chine pour revendiquer sa suzeraineté sur le Tibet : les conquérants mongols, devenus chinois par la fondation d'une nouvelle dynastie, auraient instauré la délégation des pouvoirs politique et religieux à un lama tibétain, tel un suzerain à l'égard de son vassal. Cet argument s'avère pourtant invalide puisque la soumission du Tibet aux Mongols survint avant leur conquête de la Chine. Par la suite, la désintégration de la dynastie mongole déboucha sur l'indépendance simultanée du Tibet et de la Chine.

Faisons à présent un grand saut dans le temps et occultons les périodes d'accalmie, puis de domination mandchoue et britannique durant lesquelles les relations entre nos deux pays redeviennent régulièrement tumultueuses (avec une succession d'invasions du Tibet puis de déclarations d'indépendance). Nous nous retrouvons en 1950, date à laquelle Mao Zedong a déjà installé son régime communiste en Chine.

Le 7 octobre 1950, 40 000 soldats attaquèrent par surprise le Tibet central sur six fronts. L'invasion ne put être stoppée compte tenu du déséquilibre des forces en présence et de l'effet de surprise. Le gouvernement de Lhassa réagit en intronisant le 14ème et actuel dalaï-lama, alors âgé de 15 ans. Celui-ci envoya une délégation à Pékin, qui se révèla malheureusement impuissante compte tenu des requêtes de leurs adversaires.

L'occupation chinoise fut au départ imperceptible, en dehors des 8 000 soldats stationnés dans la capitale. Puis la situation dégénéra et dériva vers des manifestations, des mesures de résistance, des soulèvements et des mouvements de guérillas. En guise de réponse, la Chine mit progressivement en place une sévère répression à compter du début de 1959 et ce malgré les efforts de conciliation persistant du dalaï-lama. Celui-ci fut d'ailleurs contraint de s'exiler en Inde déguisé en soldat. A la répression, fut associée la politique du Grand Bond en Avant qui s'est révélée désastreuse pour les deux pays (35 millions de victimes à cause de la famine), puis celle de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en 1966. Le résultat ne fut guère meilleur.

Au final, la Chine revendique sa souveraineté sur le Tibet. Mais celle-ci est-elle légitime d'un point de vue historique ? Le Tibet n'a-t-il pas lui aussi dans ce cas une légitimité pour exercer sa souveraineté sur une partie du territoire chinois ? Et pour aller plus loin, pourquoi les Mongols qui ont envahi l'Empire du Milieu entre 1211 et 1279 et lui ont donné une dynastie, ne sont-ils pas légitimes pour gouverner la Chine ? Tout est une question de point de vue finalement non ?

 

2. Sur le plan géographique...

Le Tibet constitue un espace clairement délimité, pour ne pas dire singulier ou à part. Ses caractéristiques naturelles en apportent la preuve.

Le pays est d'abord régulièrement qualifié de "toit du monde". Cette appellation ne semble pas usurpée quand on sait que son altitude moyenne avoisinne 4 000 mètres, que plusieurs endroits du territoire dépassent allègrement les 5 000 mètres d'altitude, et que 4 des 10 plus hauts sommets du monde se trouvent sur sa frontière sud. Parmi eux, l'incontournable Everest ou Chomolangma en tibétain (8 848m).

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Le Tibet est également souvent désigné par l'appellation "plateau tibétain". Il est en effet plus ou moins encadré de hautes montagnes :

  • la chaîne himalayenne au Sud, longue de plus de 2 500 kilomètres,
  • la chaîne du Karakorum à l'Ouest,
  • les chaînes moins connues du Kunlun et de l'Altyn-tagh au Nord,

La limite orientale (Est) constitue la seule exception puisque c'est la situation inverse que l'on y rencontre : le plateau tibétain "plonge" assez brutalement vers la plaine du Sichuan, après une succession de contreforts aux dénivelés importants.

Toutes ces caractéristiques géologiques contribuent à faire du Tibet un territoire aride, un désert de haute altitude, de prime abord assez inhospitalier, la mousson indienne se révèlant globalement incapable de franchir la barrière himalayenne. Il en résulte des paysages parfois très minéraux, voire des cordons de dunes.

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Il ne faut pas pour autant imaginer un territoire totalement sec, désolé, aride. Le Tibet possède par exemple un grand nombre de glaciers même si ceux-ci tendent à reculer sous l'effet du changement climatique.

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Le massif du Kailash à l'Ouest du pays abrite en outre la source de trois des plus grands fleuves du sous-continent indien : le Sutlej, l'Indus et le Brahmapoutre. Ce dernier traverse une bonne partie du territoire tibétain le long de la crête nord de l'Himalaya avant de rejoindre l'Inde. Il irrigue ainsi de vastes zones cultivées (dont l'orge est un symbole fort). Un autre fleuve mythique nait sur le haut plateau avant de traverser six pays : le Mékong. Et ce ne sont que quelques exemples parmi les plus prestigieux.

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L'eau constitue un enjeu géopolitique majeur pour les prochaines décennies. La Chine a misé sur les barrages pour stocker l'or bleu et produire de l'hydroélectricité. Ce faisant, elle menace plus ou moins directement l'approvisionnement des pays situés en aval et réduit l'apport des fleuves en alluvions fertiles. Ce problème n'est pas spécifique à la Chine.

Le Tibet est enfin extrêmement riche en ressources naturelles avec ses gisements d'or, d'argent, d'uranium, de cuivre ou de lithium pour ne citer que les minerais les plus connus. Sans parler des réserves de gaz et de pétrole, du vent ou de l'ensoleillement (le plus fort et le plus régulier après le Sahara). Autant de ressources suscitant l'appétit des Chinois qui y voient d'importantes sources de profits.

 

3. Sur le plan économique...

Le Tibet constitue un "nouvel" eldorado pour la Chine qui y a déjà investi des milliards.

Nous avons déjà évoqué dans le paragraphe précédent  les enjeux autour des ressources naturelles. Ces dernières sont de formidables opportunités pour répondre à moindres coûts aux immenses besoins du marché intérieur. Elles accroissent aussi l'indépendance de la Chine à l'égard des autres pays puisque qu'elle peut trouver toutes une série de matières premières directement sur son sol au lieu de les importer à un prix qu'elle ne maîtrise pas. Bien sûr, le creusement de nombreuses mines et forages défigurent inlassablement l'environnement et engendre une pollution plus ou moins durable, mais n'est-ce pas le prix à payer pour le développement ? Pourquoi la Chine devrait-elle se priver quand d'autres pays ont emprunté ou empruntent aujourd'hui encore cette même voie ? Surtout qu'elle développe en parallèle des filières plus éco-responsables...

Au Tibet, l'eau, le soleil et le vent constituent des sources d'énergie immédiatement disponibles, quasi-inépuisables et non polluantes (en plus d'être gratuites). La Chine l'a bien compris en misant à fond la carte des énergies renouvelables et du développement durable. Nous avons déjà parlé précédemment des barrages hydroélectriques, mais les panneaux solaires ne sont pas en reste. Durant mes déplacements dans la province d'Ütsang par exemple, j'ai pu constater que des villages isolés au fin fond de hautes vallées étaient équipés de réverbères photovoltaïques. Et on peut supposer que les éoliennes sont elles-aussi nombreuses, ou le seront prochainement. Ce faisant la Chine renforce son expertise et son leadership sur ces secteurs d'avenir, pendant que l'Europe tergiverse (et manque le coche ?).

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De même, lorsque je me suis promené dans Lhassa, le nombre de scooters électriques et de vélos en libre-service en circulation m'a impressionné. Parfaitement silencieux, ils semblent constituer une réponse efficace contre la pollution de l'air dont souffre les grandes agglomérations, Beijing comprise. Les voitures électriques sont moins répandues mais le pouvoir d'achat au Tibet l'explique facilement. Là encore, la Chine acquiert de sérieuses compétences et réduits ses coûts de fabrication avant de passer à la phase d'exportation. C'est ainsi qu'elle va lancer dès 2018 en France des systèmes chinois de vélos libre-service pour bousculer les acteurs déjà en place.

Parmi les autres bénéfices à mettre sur le compte de la Chine, il faut aussi évoquer les infrastructures de transports. Malgré les conditions climatiques exigeantes du haut-plateau, le Tibet possède aujourd'hui un réseau routier d'assez bonne qualité entre ses grands centres urbains. Le reste du réseau se développe peu à peu, réduisant significativement les temps de parcours. Le creusement de tunnels et la construction de ponts permettent de rapprocher les localités en évitant de longs détours ou de hauts sommets (parfois enneigés). Les routes partent aussi à l'assaut de hauts cols pour accéder facilement à des régions jusque là enclavées. Les voyages deviennent au fil des ans de simples trajets assurés par des lignes de bus régulières.

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Le réseau ferroviaire suit le même mouvement bien qu'il soit moins dense. Il s'étend lentement vers les "frontières" du Tibet, vers le Népal ou l'Est par exemple. Et comment ne pas évoquer ici la plus haute ligne du monde qui relie Beijing et Lhassa tous les jours de l'année ? Il s'agit d'un chef d'oeuvre d'ingénierie, la moitié de la voie étant construite sur du permafrost et son point culminant atteignant 5 072m d'altitude. Grâce à cette ligne, des milliers de passagers et de marchandises débarquent quotidiennement à Lhassa, pour le meilleur et pour le pire. Côté pile, les coûts de transports des produits importés a considérablement baissé. Côté face, nous y reviendrons dans le prochain paragraphe...

 

Enfin, les autorités chinoise financent et favorisent l'expansion des villes afin d'accueillir toujours plus de migrants intérieurs. Le secteur du bâtiment et de la construction est ainsi très dynamique. Des lotissements modernes, des supermarchés, des hôtels, des restaurants, des infrastructures publiques ... sortent de terre un peu partout. Ici ou là, on rénove aussi des monastères dans le souci de développer encore davantage le flux touristique. La physionomie des villes et du pays se trouve métamorphosée.

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Au final, il est incontestable que, sur le plan économique, la Chine a permis au Tibet d'atteindre un niveau de développement et une qualité de vie qu'il n'aurait pu espérer atteindre aussi vite sans elle. Mais les boulversements ont été extrêmement rapides et profonds boulversant les habitants et leurs modes de vie traditionnels. Le prix à payer en valait-il le coup ? De toute façon, le Tibet n'a pas eu son mot à dire...

 

4. Sur le plan culturel...

Le développement économique, l'immigration intérieure (Chine > Tibet), l'amélioration du niveau de vie ont bouleversé en profondeur les structures et modes de vie traditionnels, si bien que la culture tibétaine semble parfois en danger. La Chine importe de force son modèle sans aucune considération pour la culture préexistante.

Reprenons l'exemple du train Beijing - Lhassa qui déverse chaque jour ses milliers de passagers et de marchandises. Une partie de ces passagers sont des touristes au sens large (de loisirs ou d'affaires), l'autre partie des "colons" Hans qui viennent s'installer durablement. La population Han croit ainsi inexorablement tandis que les Tibétains deviennent une minorité sur leurs propres terres. Aucun chiffre officiel n'est disponible pour masquer l'ampleur du phénomène, mais il suffit de se promener dans Lhassa pour voir à quel point la ville tibétaine est cernée par les vastes banlieues chinoises. La ville aurait doublé de superficie au cours des vingt dernières années et le quartier tibétain ne constituerait plus que 4% de la cité d'après le guide Lonely Planet. Idem à Shigatse, la deuxième ville du pays, et dans les villes de moindre importance.

Les marchandises "chinoises" débarquent elles aussi en force et à petits prix. Elles inondent les marchés et échoppes faisant concurrence aux produits locaux traditionnels, quand elles ne les ringardisent pas tout simplement. Elles poussent également à la consommation des personnes qui n'y étaient pas habituées. Les objets chinois ont ainsi envahi le quotidien des ménages tibétains et modifié durablement leurs modes de vie. L'introduction d'infrastructures comme les supermarchés ou les karaokés ont eu le même effet. Tous exercent un fort pouvoir d'attraction et de fascination sur les jeunes générations plus perméables. C'est le progrès me direz-vous et cela est aussi arrivé en Occident au XXème siècle. Certes, mais le contexte est loin d'être le même.

 

Cette politique de sinisation accélérée n'est cependant pas nouvelle. Il y a quelques décennies déjà, les catastrophiques politiques du "Grand Bond en avant" et de la "Grande Révolution Culturelle Prolétarienne" ont été imposées par la force, comme dans le reste du territoire chinois. Ces deux révolutions ont sévèrement ébranlé les deux pays et leurs habitants.

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La première politique ambitionnait par exemple de modifier les pratiques agricoles tibétaines en substituant du riz et du blé à l'orge. Une réforme vouée à l'échec compte tenu de l'altitude du Tibet... La deuxième politique organisait la collectivisation des terres autour de communes populaires. Arrestations et séances d'autocritiques devaient se charger de convaincre les récalcitrants. Nous connaissons avec le recul l'inefficacité de telles mesures. A moins qu'il ne s'agissait de déstabiliser et déstructurer les populations rurales largement majoritaires, ou les habitudes alimentaires de l'ensemble des Tibétains (pour qui l'orge est un ingrédient de base du repas) ? Le bilan humain a en tout cas été très lourd avec une famine qui a frappé les deux pays.

La Révolution Culturelle souhaitait surtout abolir les anciennes coutumes et traditions, les cultures singulières au profit d'une vaste uniformisation. Au Tibet, elle s'inscrivait dans la continuité des politiques répressives menées régulièrement depuis l'invasion du territoire en 1950. La sphère religieuse, colonne vertébrale de la nation tibétaine, était particulièrement visée avec une volonté d'éradication. Les lamas ont ainsi été poursuivis, humiliés, persécutés pour les contraindre à quitter la robe. Les monastères ont été pillés puis détruits méthodiquement. Les croyants étaient forcés de dénigrer le dalaï-lama publiquement, ... Le coup a été violent, mais le peuple a fait preuve d'une incroyable force de caractère en perpétuant ce qu'il pouvait, en limitant au maximum les pertes. Force est de constater que cela a plutôt réussi jusqu'à aujourd'hui. Mais que se passera-t-il après le décès de l'actuel dalaï-lama ?

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Ces attaques contre la culture tibétaine se poursuivent encore de nos jours de manière bien plus discrète. Le mandarin est par exemple la langue officielle et est la seule parlée dans les études supérieures. Pour les citadins, ne pas la parler revient à être pénalisé, handicapé dans la vie de tous les jours. L'écriture et la langue tibétaines perdent donc imperceptiblement du terrain dans la sphère publique. Mais également dans la sphère privée où la télévision diffuse un flux de contenus, de schémas de pensées et de représentations "made in China". La conquête des esprits est en cours, ciblant une nouvelle fois les jeunes générations qui n'auront finalement connu que la situation actuelle. 

 

5. Sur le plan humain...

Les Tibétains sont sans doute l'un des peuples "autochtones" les plus connus en raison de leur histoire, de leur culture foisonnante et de leur religion originale. Pourtant ce peuple est aujourd'hui fragmenté entre ceux qui sont restés sur leur terre ancestrale et ceux qui vivent en exil à Dharamsala en Inde ou ailleurs. Entre les deux, la fissure grandit : les uns sont confrontés à la culture dominante, écrasante de la puissance "occupante", les autres tentent de préserver leur culture ancestrale en étant immergé dans un autre contexte culturel que le leur (celui de leur pays hôte). Dans les deux cas, les frontières entre les cultures s'estompent au fil du temps et un phénomène d'interpénétration se met en route. Et les différences entre les deux communautés s'accroissent imperceptiblement...

Inutile de dire que la situation n'est facile pour personne. Pire, certaines familles sont aujourd'hui séparées par des frontières physiques infranchissables. Se reverront-elles un jour ? Difficile de l'envisager pour le moment sachant que même les communications via internet ou les réseaux sociaux sont étroitement surveillées par les autorités (quant elles ne sont pas bloquées). Lors de mon séjour sur place, l'accès à des sites comme Google ou Facebook étaient par exemple impossibles sans le recours à un VPN.

 

Bref, après avoir longuement parlé des Tibétains "de l'intérieur", je souhaitais conclure cet article en évoquant brièvement la situation des réfugiés tibétains en Inde. Mais je souhaitais aborder ce sujet à travers un exemple précis, concret : le village d'enfants de Choglamsar au Ladakh (Inde du Nord) découvert à l'occasion d'un précédent voyage.

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Il s'agit d'un village inauguré en 1976 par l'ONG SOS Children's Villages. Il accueille aujourd'hui près de 2 200 enfants, en majorité des fils et filles de réfugiés tibétains, et leur offre un accès à l'éducation.  Ces enfants ne sont généralement pas orphelins. Leurs parents vivent souvent loin dans les montagnes du Ladakh où ils soignent et s'occupent de leur troupeau ou font du petit commerce pour survivre. Il faut dire que les opportunités sont plutôt réduites en Inde pour les réfugiés et les obstacles nombreux (aussi accueillant soit le pays hôte) Ils n'ont donc pas vraiment la possibilité de s'occuper de leurs enfants et de les envoyer à une école qui plus est souvent éloignée. Le village SOS y pallie et tous peuvent se retrouver aux grandes vacances, c'est-à-dire une fois par an. C'est dur pour des enfants en bas âge, mais c'est leur vie de réfugiés et la seule solution face au dénuement de leurs parents.

Le village de Choglamsar accueille les enfants dans 28 maisons familiales. Ils y vivent en groupe relativement réduit sous la responsabilité et la bienveillance d'une "famille SOS". L'objectif étant de recréer un semblant de cocon familial, les fratries vivent ensemble et ne sont pas séparées. De même, chacun a un (tout) petit espace personnel. 

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La scolarité est assurée par le complexe scolaire du site. Des professeurs tibétains y donnent des cours dans des salles plutôt propres et équipées grâce aux soutiens financiers des donateurs de l'ONG et au système D. Une partie de l'enseignement est consacrée aux fondamentaux tibétains, la langue et l'écriture, afin de préserver et perpétuer leur culture ancestrale. Le village compte enfin un dispensaire et un cabinet dentaire.

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Ce beau projet, qui nous sommes d'accord ne devrait pas exister, constitue une belle lueur d'espoir dans un horizon plutôt sombre. Mais comme le disait Mère Teresa : "Nous réalisons que ce que nous accomplissons n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan. Mais si cette goutte n'existait pas dans l'océan, elle manquerait".

Pour en savoir plus sur l'ONG SOS Villages d'Enfants et le village de Choglamsar : https://www.sosve.org/nos-actions/les-villages-d-enfants-sos/village-de-choglamsar/

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