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Le tour du monde en 80 clics
4 mars 2018

Voyage en Palestine sur le sentier d'Abraham

Brève introduction

Notre planète regorge de lieux exceptionnels que ce soit sur le plan naturel, culturel, historique ou autre. Ce blog en donne quelques exemples. Pourtant, l'un de ces lieux est de mon point de vue un peu à part : il s'agit de la Terre Sainte qui recouvre les territoires d'Israël et de la Palestine.

Localisation de la Cisjordanie

3 raisons m'amènent à le penser :

1) Habitée depuis quelques 2 millions d'années, cette terre a en effet connu un premier bouleversement majeur il y a entre 8 000 et 10 000 ans environ. A cette époque - et peu après la Mésopotamie sa voisine -, ses habitants ont commencé à abandonner leur vie de chasseurs-cueilleurs et à se regrouper dans de gros bourgs, ancêtres de nos villes. Ils se sont alors progressivement mis à cultiver des céréales et à domestiquer des animaux. La ville de Jéricho, située dans les Territoires Palestiniens, a été l'un des théâtres de cette révolution de nos modes de vie si bien qu'elle est aujourd'hui l'une des plus anciennes cités de notre planète. Habitée en continu depuis cette période de surcroit !

Ruines du palais d'Hérode dans les environs de Jéricho

2) Deuxième et principale singularité, cette terre est 3 fois sainte car elle est le berceau du judaïsme et du christianisme, tout en étant hautement sacrée pour les musulmans et les Bahaïs. Cette terre a d'abord été foulée par des rois, des prophètes, des apôtres et des saints mentionnés dans le Talmud ou la Bible. Le Christ y est né, y a vécu, y est mort crucifié avant de réssuciter. Enfin Mahomet y serait "passé" (cf. fin de ce paragraphe). Un seul lieu, le Mont du Temple ou Haram ash-Sharif à Jérusalem, résume à lui seul la situation : Adam y aurait été façonné par Dieu ; Caïn, Abel et Noé l'auraient fréquenté ; Abraham aurait tenté d'y sacrifier son fils Isaac ; le roi David y a érigé un autel et son fils Salomon le premier Temple (détruit par Nabuchodonosor II de Babylone, puis reconstruit et remplacé par le second Temple). Mahomet y aurait entrepris son voyage nocturne vers la "mosquée la plus lointaine" si bien que, pour les musulmans, Jérusalem est leur 3ème lieu saint après La Mecque et Médine.

Jérusalem et le Mont du Temple

3) Compte tenu du point précédent, cette terre a été âprement disputée tout au long de l'Histoire. De nombreux conflits ont ponctuée son histoire, les plus célèbres étant sans doute les invasions romaines, perses, arabes, et bien entendu les croisades qui ont vu se confronter des modèles civilisationnels distincts. De nos jours, le conflit israëlo-palestinien continue de sévir et envenime les relations entre les habitants et au-delà dans toute la région.

 

Jour 1 : premier passage de la Frontière

C'est avec ces considérations en tête que je me suis envolé il y a quelques temps pour Israël et la Cisjordanie (Palestine). Le désenchantement a été rapide et brutal à cause de ce contexte géopolitique si particulier. Dès l'aéroport, j'étais invité à ne pas déclarer aux agents de la douane que j'allais me rendre dans les Territoires Palestiniens, ou en tout cas pas de façon trop précise. Cela peut causer des complications m'a-t-on prévenu (questionnements ou plus rarement refus d'entrer sur le territoire) alors même que le but de mon séjour était purement touristique. De son côté, le douanier m'a remis un petit récipicé "volant" à conserver tout le séjour : c'était mon visa. Il faut savoir qu'Israël ne tamponne pas les passeports de ses visiteurs étrangers pour ne pas entrainer de complications en cas de visites ultérieures dans certains pays arabes. L'inverse est également vrai : évitez d'avoir des tampons/visas de certains pays arabes sous peine d'être questionné plus ou moins longtemps dans une salle atenante.

Je passe les formalités sans problème, ce qui ne sera pas le cas de tout le monde. Je remarque une dizaine de personnes patientant dans une salle vitrée. A la sortie de l'aéroport, il fait nuit. Un bus m'a récupéré avec les autres co-voyageurs pour nous conduire à Bethléem, dans les Territoires Palestiniens. Nous empruntons une autoroute très confortable reliant la capitale Tel-Aviv à Jérusalem. Comme sur chaque autoroute, on devine de simples grillages des deux côtés de la chaussée, sans doute pour empêcher les animaux et les resquilleurs.

Une bonne heure plus tard (à cause des embouteillages), nous arrivons à Jérusalem que nous contournons par ses banlieues. Bethléem étant une banlieue au sud de la ville sainte, mais une banlieue palestinienne, nous devons passer par un des checkpoints routiers officiels. Nous avons été prévenus que les contrôles pouvaient être plus ou moins soutenus, que les soldats pourraient éventuellement monter dans le bus pour inspection. Nous passons pourtant sans nous arrêter, en ralentissant simplement. De part et d'autre du véhicule se dresse un haut mur de béton de 9m de haut avec des barbelés au sommet. Des soldats jettent un coup d'oeil rapide dans les véhicules. Etrange sensation pour nous qui venons d'un pays en paix !

La fin de notre trajet est beaucoup plus classique. A notre arrivée à l'hôtel, des membres du personnel nous attendent malgré l'heure tardive et nous servent même un repas chaud. Puis vient l'heure d'aller se coucher.

 

Jour 2 : le Mur de la Honte

Le lendemain matin, il fait jour lorsque je me réveille. Curieuses sensations. Nous sommes dans un des hauts lieux de la Terre Sainte : Bethléem, la ville où le Christ est né dans une modeste étable il y a plus de 2 000 ans. Or cette ville existe toujours aujourd'hui malgré l'histoire mouvementée de la région au cours de ces deux derniers millénaires. La cité a bien entendu beaucoup changé depuis ces temps historiques. Elle s'est vraisemblablement agrandie, a couvert les collines environnantes jusqu'à devenir une sorte de banlieue de Jérusalem. Il n'empêche, elle a été le théâtre d'un des plus grands évènements de l'Histoire.

Nous partons visiter la ville en marchant accompagnés par une guide chrétienne qui y habite. Tout est tranquille et paisible en ce début de journée ensoleillée. Le voyage commence vraiment, avec toutes ses promesses de découvertes et de rencontres. Nous traversons d'abord une partie de la ville moderne aux environs de l'université, puis rejoignons une plus grosse artère. En face de nous, des collines couvertes d'immeubles.

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Nous tournons sur la droite. Tout au fond de la rue, j'aperçois un mur, le Mur, qui semble barrer la route. 1ère rencontre car il faisait nuit hier soir. La guide nous tire de notre contemplation silencieuse pour nous signaler l'emplacement d'un camp de réfugiés sur notre droite. Il ne faut pas imaginer un camp de tentes blanches aux couleurs de l'ONU ou d'une organisation caritative internationale. Non, il s'agit d'un camp en dur car vieux de plusieurs décennies. Il a accueilli des réfugiés palestiniens suite aux premiers conflits majeurs avec Israël. Il consiste en des immeubles en briques crues qui s'élèvent sur plusieurs étages et en des ruelles étroites. Il serait passé inaperçu pour moi sans l'intervention de la guide.

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Un peu plus loin, de l'autre côté de la rue, un hôtel élégant avec un ravissant patio. Deux mondes distincts se côtoient à quelques mètres de distance. Et ce n'est pas fini...

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Nous nous rapprochons du mur qui semble se dresser de plus en plus haut. Il fait 9m de hauteur (comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire) et est surmonté de barbelés. Tout en béton brut, il est couvert de graffitis dans sa partie inférieure. Des témoignages laissés par des artistes, des militants ou des visiteurs du monde entier. Une ouverture semble pratiquée sur cette portion pour laisser passer les forces israëliennes en cas de besoin. De même, des panneaux de béton d'environ 2m, également couverts de graffitis, sont disséminés ça et là. La guide nous explique qu'ils servent de protection et d'abris aux forces israëliennes en cas d'interventions face à des "émeutiers" palestiniens.

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A cet endroit précis, le mur-porte ne fait probablement que 8 mètres, mais il est bordé d'un mirador. Ce dernier est menaçant avec ses étroites ouvertures garantissant une vision à 360° et sa façade noircit, témoignages d'assaults passés. Il arbore un drapeau israëlien juste sous les ouvertures. On y devine des soldats israëliens. Cette première image, aussi anticipée soit-elle, est pénible, dérangeante pour ne pas dire choquante une fois sur place. Le silence s'impose.

En habituée, la guide ne fait que peu de commentaires et nous invite à prendre des photos. Elle nous fait ensuite contourner le mirador et nous laisse 30 minutes pour aller explorer seuls le Mur de la Honte à notre rythme. Tout de suite après le mirador, nous découvrons une rue coupée en deux par le mur et abritant des stations-services. La rue est déserte et silencieuse. Les graffitis se font ici oeuvre d'arts et/ou messages politiques. Beaucoup appellent à la paix ou relèvent l'absurdité de la situation.

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Nous suivons le tracé du Mur, chacun à son rythme. Il est sinueux et incompréhensible. Il fait un ensemble de boucles si bien que j'ai plusieurs fois l'impression d'être quasiment derrière le mur où j'étais quelques minutes auparavant. Les graffitis se suivent, chacun véhiculant son message avec des mots ou des images, voire les deux. Certains sont récents, d'autres ont été recouverts de peinture par les Israëliens, comme cette oeuvre du célèbre artiste Bansky montrant Netanyahu et Trump s'embrassant.

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Plus loin, la rue qui borde le Mur descend sur quelques dizaines de mètres. Quelques dizaine de mètres seulement car le Mur opère alors un brusque virage à gauche de 90° avant de réapparaitre presque immédiatement à la perpendiculaire de la voie sur laquelle nous cheminons. Curieux... Cet endroit est en tout cas la 1ère occasion pour nous de voir l'au-delà du Mur. Qu'y voit-on ? Cette même barrière de béton qui ondule sur la colline d'en face. A sa gauche, une ville et des entrepôts en béton paraissent entassés. C'est la Cisjordanie. A sa droite, une colline arborée, naturelle. C'est Israël. Deux paysages antagonistes se côtoient séparés par une stupide barrière. Deux mondes opposés.

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Mais revenons à notre rue en pente et à l'endroit où le mur se renfonce brutalement. Nous découvrons qu'il contourne en fait un petit immeuble et un terrain vague. Ceux-ci sont donc entourés par le mur sur trois côtés. L'immeuble est en fait un garage, boutique-souvenirs et petite auberge. Nous échangeons avec ses habitants qui parlent anglais. Le Mur que nous avons contourné fait bien une incursion en forme de boucle à l'intérieur du territoire palestinien au mépris de tous les accords conclus. La raison ? Il protège un édifice sacré pour les Juifs, le tombeau de Rachel, qui se retrouve de facto en territoire israëlien. Pourquoi sont-ils ainsi protégés et le mur fait-il un détour spécialement pour leur maison (qui aurait pu être détruite comme les autres) ? Nous ne le saurons pas. Toujours est-il qu'ils ont interdiction de monter sur leur terrasse sans autorisation des autorités israëliennes et doivent laisser fermer les fenêtres qui dépassent au-dessus du mur. Tout contrevenant s'expose à une riposte quasi-immédiate. Drôle de vie pour ces habitants très aimables au premier abord.

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Nous continuons un peu avant de faire demi-tour car l'heure tourne. Il est temps de rejoindre la guide pour découvrir l'autre facette plus connue de Bethléem, la vieille ville et sa Basilique de la Nativité. Cette première découverte de la Cisjordanie laisse perplexe, et même un goût amer. Pauvres habitants qui vivent à l'ombre de ce Mur de la Honte !

Au fur et à mesure que nous nous éloignons, la vie reprend ses droits. Des échoppes vendent de tout et de rien. Les voitures sont plus nombreuses. Des piétons font leurs courses. En face de nous, se dresse le petit promontoire sur lequel se situe la vieille ville. Nous le grimpons et débouchons sur la très belle rue de l'Etoile. L'architecture se fait élégante et raffinée. On se croirait désormais dans une autre ville alors que nous n'avons parcouru que quelques centaines de mètres.

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Je remarque d'abord les belles habitations en pierre de taille. L'harmonie architecturale est impressionnante. La guide en profite pour nous révèler quelques détails chrétiens et arabes sur leurs façades, témoignages de la longue histoire de la cité. Non loin de là, plusieurs églises dressent fièrement leurs clochers vers le ciel. Chacune possède son propre style sachant qu'elles appartiennent à différents courants chrétiens.

Tout au bout de la rue tortueuse, à l'entrée de la place de la Mangeoire, la mosquée d'Omar se dresse pile en face à la Basilique de la Nativité. Et dans la Basilique elle-même, les divers courants chrétiens se partagent l'espace selon des règles très rigoureusement établies (tel lustre appartient à untel). Cette cohabitation des édifices religieux et la présence même de la Basilique créé une atmosphère particulière ... et livre un message de tolérance radicalement contraire à l'atmosphère créée par le Mur.

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Après la visite de la Basilique et une halte falafel revigorante, nous empruntons un minibus pour nous rendre jusqu'à la Mer Morte. Ce lieu est singulier à plus d'un titre. C'est d'abord le point le plus bas sur terre : -428m (en-dessous du niveau de la mer) ! C'est aussi une frontière naturelle entre Israël/Palestine et le royaume de Jordanie sur la rive opposée. Cette mer intérieure est enfin alimentée par les eaux du mythique Jourdain et par quelques sources souterraines. Mais, comme 95% des eaux du Jourdain sont détournées par Israël à des fins agricoles et que la chaleur de la région conduit à une très forte évaporation, la Mer Morte s'assèche peu à peu et son taux de salinité s'accroit. Cette salinité est telle que vous avez sûrement déjà vu ces photos de baigneurs en train d'y lire leur journal, flottant à la surface comme un bouchon de liège. 

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Le trajet nous prend une quarantaine de minutes au milieu d'un paysage aride. Dans le cadre de notre excursion touristique, nous nous livrons ensuite à l'expérience du bain dans la Mer Morte dans une pseudo "station balnéaire" privée. Une espèce de plage privée en quelques sortes. Seules consignes distinctement affichées à plusieurs endroits : rester dans la (petite) zone de baignade et ne pas mettre la tête sous l'eau sous peine de réactions désagréables pour les yeux. Premier contact avec l'eau, rien de particulier à signaler. Le dénivelé est très faible. Il faut donc s'éloigner du rivage pour en avoir jusqu'à la taille. Puis, immersion jusqu'aux épaules et là effectivement les pieds décollent et vous basculez sur le dos ou le ventre, la tête au-dessus des flots. Drôles de sensations. Votre corps est aussi très lisse avec le sel. Allongé les doigts de pieds en évantail, vous pouvez alors admirer la rive opposée. A quelques kilomètres à peine, c'est la Jordanie. En sortant de l'eau, une douche à l'air libre permet de rincer un minimum la couche de sel qui vous entoure.

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Il ne nous reste plus qu'à gagner notre ville-étape de ce soir : la célèbre Jéricho, mentionnée dans la Bible ou dans une chanson de Gospel. La journée a été très riche à tous les niveaux : passer du Mur de la Honte à la Basilique de la Nativité avant de rallier la Mer Morte garantit 3 expériences fort distinctes. Et pourtant ce n'est pas fini... A l'entrée de Jéricho, les militaires israéliens ont installé un panneau rouge à destination de leurs ressortissants. Ce panneau indique que nous pénètrons en "zone A" qui est interdite aux citoyens israéliens sous peine de danger de mort.

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Qu'est-ce que cette "zone A" dont je n'avais jamais entendu parler ???

Notre guide nous apprend que la Cisjordanie est divisée en 3 zones :

- la Zone A entièrement sous contrôle de l'Autorité Palestinienne, que ce soit sur le plan civil ou militaire. Elle couvre 17% du territoire.

- la Zone B sous contrôle civil palestinien, mais contrôle militaire israélien. elle couvre 24% du territoire.

- la Zone C entièrement sous contrôle israélien, que ce soit sur le plan civil ou militaire. Elle couvre environ 59% du territoire dont le réseau routier "national".

Nous apprendrons également plus tard que, dans les faits, Israël pénètre quand il veut et comme il veut dans les zones A et B ...en infraction de tous les accords conclus. De même, la Zone C ne cesse de gagner du terrain "par la force" alors que le statu-quo devrait prévaloir. Israël ne laisse pas le choix aux habitants des zones ainsi envahies. Raisons de sécurité nationale dit-elle... 

Bref nous voilà replongés brutalement dans une atmosphère de conflit. Les chekpoints dressés par l'Autorité Palestinienne à l'entrée de Jéricho - de gros blocs de bétons en travers de la route - nous le rappellent. De même qu'un hôtel de luxe aujourd'hui abandonné quelques mètres plus loin. Le reste de la ville semble plus classique et la vie a regagné ces droits. On pourrait être dans n'importe quelle ville arabe.

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Ce soir, nous logeons dans le camp de réfugiés palestiniens d'Aqbat Jaber créé en 1948 suite à la proclamation de l'Etat d'Israël. Des femmes de ce camp se sont en effet organisées en association et y gèrent une guest house pour accueillir les touristes de passage. Elles nous logent, préparent les repas et nous font même l'honneur de parler de leur vie au sein du camp et à l'association. 

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C'est à la fin du diner le deuxième soir que la présidente de l'association prend la parole entourée par ses consoeurs. Elle nous remercie de notre venue et nous invite à parler de leurs oeuvres à notre retour pour que de nouveaux visiteurs viennent les voir. Elle nous explique ensuite qu'en dehors de la guest house, les femmes ont créé un salon de beauté au sein du camp et conduisent des missions sociales pour les enfants et les anciens. Les conditions de vie ne sont pas faciles dans le camp (l'accès à l'eau est par exemple fortement rationné et contrôlé par Israël), mais elles essayent de l'agrémenter en recréant du lien social, de la solidarité et de l'activité économique. Belle leçon de vie qui amène forcément à réfléchir.

 

Jours 3 à 5 : le désert de Judée

Au cours des 3 prochains jours, nous allons effectuer 3 randonnées dans 3 endroits du désert de Judée. C'est l'occasion de découvrir une nouvelle facette du pays et de rencontrer quelques bédouins. De ralentir le rythme aussi pour adopter celui, plus posé, de la marche.

Ce matin, nous partons à pied depuis la guest house. A la sortie du camp d'Aqbat Jaber, nous débouchons sur un carrefour. En son centre se dresse une clé avec des inscriptions arabes. Le guide nous explique que c'est la clé du retour. Elle symbolise le retour futur des Palestiniens sur leurs terres, celles qu'ils ont quitté après la fondation d'Israël et suite à la guerre des 6 jours en 1967. Nous traversons ensuite des quartiers périphériques de Jéricho et gagnons progressivement le désert.

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Nous marquons une première étape sur les ruines du palais d'Hérode. Elles sont ouvertes aux 4 vents, libres d'accès, au pied des collines, en bordure de champs. Nous surplombons légèrement la ville de Jéricho que l'on aperçoit plus loin devant nous. Sur notre gauche, se dresse un village ou les derniers faubourgs de Jéricho.

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Puis nous reprenons la marche en nous enfonçant dans le Wadi Qelt. Il s'agit d'un canyon de plus en plus profond et dépourvu d'eau (à cette période de l'année en tout cas). Nous marchons à flanc de colline sur un sentier sinueux mais très bien tracé. Le paysage est dépouillé à l'extrême et se révèle donc envoûtant. Au bout d'un moment, des croix chrétiennes apparaissent les unes après les autres. Insolite à cet endroit. Le guide nous explique qu'elles sont au nombre de 13 et servent à délimiter le territoire du monastère orthodoxe Saint-Georges. Nous apercevons d'abord un berger bédouin et son troupeau de chèvres après plusieurs heures de marche. Le premier homme que nous rencontrons depuis notre entrée dans le wadi. Puis juste derrière émerge le monastère lui-même précédée d'une petite chapelle arménienne, creusés dans la paroi rocheuse. Le panorama est somptueux.

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Nous marquons une étape au monastère que nous visitons assez rapidement car les pélerins orthodoxes se succèdent et les messes avec elles. Puis nous reprenons la marche dans le sinueux wadi. Le chemin s'élève jusqu'au sommet des collines. Le paysage prend davantage de relief. Au milieu de l'après-midi, la végétation fait son retour alors que nous longeons des canaux d'irrigation depuis un moment. Puis, nous paercevons les premières constructions humaines : un blockhaus ottomans d'abord, puis une ferme habitée que nous contournons, enfin un acqueduc en ruines. Nous débouchons alors sur une piste que nous remontons jusqu'à un point de vue panoramique.

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Notre minibus vient nous chercher pour nous amener au site de Nabi Musa. Pour les musulmans c'est là que Moïse serait enterré si bien qu'une mosquée a été élevée à cet endroit. Elle abrite aussi des cellules/chambres pour les voyageurs en cours de rénovation. Elle est entourée d'un cimetière musulman. L'édifice extérieur est très beau, mis en valeur sans doute par le désert environnant. Nous effectuons une rapide visite sans rentrer dans la mosquée à cause de la rando que nous venons de faire et de notre "état de fraicheur" associé. Puis c'est le retour jusqu'à la guest-house d'Aqbat Jaber pour un repos bien mérité.

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Deuxième jour, nous quittons définitivement la guest-house. Nous remercions donc les femmes pour leur hospitalité et les félicitons pour leurs actions. Puis nous prenons la route direction le désert. Nous repassons devant le site de Nabi Musa et continuons sur la piste. Nous dépassons un camp militaire israélien avec des barraquements et quelques tentes. Nous nous arrêtons quelques kilomètres plus loin et amorçons notre deuxième randonnée. Nous sommes sur un vaste plateau désertique et de hautes collines nous font face. Nous nous dirigeons vers elles.

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Au bout d'une bonne heure et d'une petite grimpette, nous découvrons une ancienne cité en ruine au sommet d'une colline. La vue alentour est panoramique. En parcourant librement le site, nous découvrons des abris troglodytes, c'est-à-dire creusé dans la roche.

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Nous poursuivons notre marche à travers les collines et atteignons en fin de matinée le somptueux monastère orthodoxe de Mar Saba. Une vraie merveille dont la visite est malheureusement interdite aux femmes. Quelques moines y vivent à résidence et accueillent pélerins et visiteurs. Outre les chapelles, églises et les terrasses panoramiques, la visite vaut aussi le coup pour ses belles mosaïques, d'autant plus surprenantes que nous sommes en plein désert. 

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Nous poursuivons notre cheminement à travers les collines arides jusqu'à atteindre une guest house au milieu du désert. Nous y passons la soirée autour d'un feu de camp, d'un repas traditionnel et dans une ambiance conviviale. Un fennec rôde autour de nous dans la nuit. Craintif, il s'en va puis revient, à l'affut du moindre petit bout de nourriture. La température a nettement fraichi au cours de la soirée et les étoiles sont grimpées dans le ciel. Une journée supplémentaire vient de s'écouler.

 

En ce troisième jour, nous devons rallier un campement bédouin où nous avons prévu de dormir ce soir. Un minibus vient nous chercher pour nous amener au point de départ de la randonnée. Sur la route, nous traversons quelques villages palestiniens et passons à proximité de colonies israéliennes retranchées derrière leurs grillages. Ces dernières sont en effet interdites d'accès, protégées par des grilles et des agents de sécurité alors que les villages palestiniens sont ouverts aux quatre vents. Ces colonies sont de plus généralement desservies par de belles routes bitumées quand les villages palestiniens alentour n'ont "le droit" qu'à leur route historique, voire parfois à une simple piste. Cela rappelle quelques facettes de l'Afrique du Sud...

Il convient ici d'ouvrir une parenthèse pour signaler que ces colonies israéliennes sont installées (illégalement) en territoire palestinien. Elles viennent progressivement et volontairement "miter" le territoire convoité au nom de motivations nationalistes et/ou prosélystes. Elles sont la résultante d'une minorité virulente, activiste, parfois extrémiste, qui relègue la majorité silencieuse de leur population d'origine dans l'oubli et l'embarras.  

D'après les lectures effectuées à mon retour, le mode opératoire des colons est assez simple. Ils repèrent un terrain non exploité par son occupant et viennent s'y installer à un ou plusieurs (en étant armé bien entendu). Dans le désert comme ici, ils installent une ou plusieurs caravanes qui au bout d'un certain temps seront complétées par des abris ...avant de céder la place à de vraies constructions en dur. Les armes peuvent être utiles dans un premier temps par leur fonction menaçante. Mais les colons sont rapidement défendus par leur armée (qui assure la protection de ses concitoyens) et s'appuient aussi sur des arguments juridiques. La loi ottomane en vigueur en Palestine stipule par exemple qu'un terrain non cultivé pendant plusieurs années peut être repris par quelqu'un susceptible de le mettre en valeur. Qu'à cela ne tienne, notre ou nos colons installe(nt) un pneu devant leurs caravanes. Celui-ci est rempli de terre, on y a semé une graine ou un végétal et on l'arrose régulièrement. Rien ne pousse facilement dans ces terres désertiques, mais ces fragiles "cultures hors-sols" suffisent à s'approprier un terrain. Fin de la parenthèse.

Notre minibus nous dépose justement non loin d'une de ces colonies récentes. Nous nous en écartons pour cheminer vers des habitations bédouins que traversent des troupeaux de chèvres. La région en est remplie comme nous aurons l'occasion de le constater au cours des 24 prochaines heures. Puis nous marchons à travers les collines dans un paysage toujours aussi désertique et envoûtant. On se croirait dans un autre monde où le temps n'a pas la même emprise. Ici, on vit au rythme de la ruralité et de la course du soleil. Tout est paisible et naturel. De temps en temps, une espèce de F16 israélien vient rompre le calme. C'est son territoire d'entrainement. Toujours ces symboles d'agressivité... Quel dommage !

Une colonie israélienne récente    Paysage désertique typique de ce coin du désert de Judée

Le désert que nous traversons s'étend à perte de vue. On dirait une vaste étendue inhabitée. Et pourtant la vie y foisonne ...aussi difficile soit-elle. Nous croisons d'abord 2 femmes et 2 enfants.Elles se rendent de leur campement au village voisin à pied. Plus loin, un campement bédouin s'est installé sur des terres arides et a développé au fil du temps un puits de verdure. Plus loin encore, nous apercevons des bergers se déplaçant avec leur troupeau. Et que dire de cet arbre isolé au milieu d'un "océan" de terres arides aperçu au cours de l'après-midi !

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Nous effectuons auparavant une halte chez nos hôtes bédouins de ce soir, le temps de se ressourcer un peu à l'ombre et de déjeuner. Puis nous reprenons la marche à travers l'immense plateau désertique. Il est 13h30 et nous devons rallier la Mer Morte avant le coucher du soleil. Difficile d'imaginer une telle étendue d'eau dans ce paysage.

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Et pourtant elle apparait d'un seul coup, de façon magique, après plusieurs heures de marche et après avoir atteint un énième promontoire. Le point de vue est sincèrement à couper le souffle de par sa beauté :

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On se croirait presque à bord d'un avion, en train de regarder le paysage en contrebas à travers le hublot. Sauf qu'ici la vue est panoramique sur 180°, les couleurs changent au fur et à mesure que le soleil décroit, et l'air est pur.

Dans ces conditions, assister à un coucher de soleil ici est une chance que je savoure à fond. D'autant plus que le guide nous précise que les Palestiniens n'ont pas le droit d'accéder à la Mer Morte en contrebas. Ils doivent la contempler depuis la falaise qui est un territoire palestinien. En bas, c'est Israël qui décide de tout et les Palestiniens ne sont pas les bienvenus. Et honnêtement, qui donc viendra jusqu'ici pour contempler la vue alors qu'il faut traverser une portion de désert pour y accéder ? Je vois mal une famille avec ses enfants à l'occasion d'une sortie du week-end. Les Israéliens lambda non plus ne peuvent venir ici. Bref tout le monde est perdant une nouvelle fois...

Cette Mer Morte que je contemple en ce moment m'évoque aussi une autre injustice entendue quelques jours auparavant. Pour se rendre à l'étranger, les Palestiniens n'ont pas le droit de se rendre à l'aéroport international de Tel-Aviv, le seul du "pays" et le plus proche. Ou plutôt ils ont besoin d'une autorisation délivrée très rarement. Bref, pour sortir de chez eux et voyager à l'étranger, les détenteurs d'un passeport palestinien doivent aller jusqu'à Amman, la capitale de la Jordanie voisine. Ce qui engendre des frais supplémentaires et nécessite de partir très tôt pour avoir son vol.

Le soleil couché, des pick-up viennent nous chercher. Nous grimpons sur la plateforme arrière et démarrons sans tarder. La piste en terre est très chaotique et ondulante. Le jour décline rapidement et le froid se fait plus vif. Au campement, nous nous réfugions sous la tente commune où nous prenons le diner. Puis je décide de dormir dans cette tente commune au lieu d'une grande tente aménagée pour les invités. Une autre membre du groupe fait de même. Nous nous calfeutrons sous deux couvertures. Dans la nuit, les hommes du camp viennent nous rejoindre. Un fennec rôde aussi un moment. Puis je sombre dans le sommeil.

 

Jour 6 : Hébron, l'humiliée

Une nouvelle aube se lève sur le désert. La nuit a été bonne bien que fraiche. Après le petit déjeuner, nous quittons nos bédouins pour rejoindre Hébron. Retour à la "civilisation" en perspective. Dès le démarrage, les troupeaux sont partout, le désert foisonne de vie.

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Puis, nous nous retrouvons vite seuls. Nous apercevons des campements ici ou là, des villages au sommet des collines. Le paysage est toujours aussi sauvage et inhospitalier, toujours aussi vallonné également. La seule parenthèse survient lorsque nous remontons un wadi, mais ce sera la seule entorse à l'unicité du paysage.

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Nous marchons ainsi toute la matinée pour nous retrouver dans les environs de Hassassa. Nous marquons une pause à l'entrée du village jusqu'à ce qu'un bus scolaire typique des séries US viennent nous récupérer. Direction Hébron avec un petit serrement au coeur de quitter cette Nature paisible.

Arrivés en ville, nous déjeunons dans un petit restaurant style kébab. Puis, nous rejoignons le centre-ville historique. Il y a beaucoup de monde partout car c'est jour de fête. De part et d'autre, les bâtiments sont imposants et en pierre de taille. L'unicité architecturale me séduit et donne un cachet à la vieille ville.

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Nous pénétrons rapidement dans un souk. L'ambiance est particulière, moins effervescente que dans d'autres souks du monde arabe. La plupart des magasins ont en effet la devanture métallique baissée et le soleil tape en plein sur la rue non couverte. Sans doute est-ce parce que nous sommes un jour de fête donc un jour férié ?

Nous continuons notre déambulation et rejoignons une partie couverte un peu plus fréquentée et animée. Un semblant de normalité. Et puis, nous arrivons sous une voûte en pierre. Devant nous se dresse un grillage épais qui barre le passage : un chekpoint israélien ! Comme en Afrique du Sud lors de l'apartheid, nous avons de la chance d'être de la bonne "couleur" ou "origine". Nous passons donc comme une lettre à la Poste. Notre guide, Palestinien, subit quant à lui une fouille similaire à celle des aéroports (montrer ses papiers, enlever sa ceinture, palpation rapide). Mais nous passons tous.

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A peine sortis du checkpoint, un autre se dresse sur notre gauche. Derrière se trouve le Tombeau des Patriarches sacré à la fois pour les Juifs et les Musulmans (c'est le 2ème lieu saint de Palestine après le Mont du Temple). Il abrite les tombeaux d'Abraham et sa femme Sarah, de leur fils Isaac et sa femme Rébecca, de son petit fils Jacob et sa femme Léa. Bien entendu, compte tenu du contexte géopolitique, la moitié du site est réservé aux Juifs, l'autre aux Musulmans. Tous ont accès aux tombeaux en visu derrière des grillages.

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 Nous poursuivons la découverte de la ville. Nous nous éloignons de la zone des checkpoints en descendant la rue. Nous débouchons sur une zone fantôme. A gauche, des soldats israéliens, armés, empêchent le passage à tous les musulmans ("Are you muslims ?" nous demanderont-ils le lendemain matin). A droite débute une rue morte. Notre guide nous explique qu'elle est le théâtre des affrontements récurrents entre communautés. Les commerçants palestiniens ont reçu l'ordre d'y baisser le rideau de leur boutique tandis que des colons israéliens ont pris possession des lieux et arborent fièrement leur drapeau aux fenêtres. Pourquoi les habitants originels ne réagissent-ils pas ? Les réponses sont multiples : menaces, intimidations, nouveaux occupants armés et défendus par l'armée. Réagissez et vous avez des problèmes assurés.

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Plus loin dans la même rue, j'aperçois une guérite militaire avec deux soldats devant et deux femmes voilées à leurs côtés. Ici, nous sommes en territoire palestinien, là-bas c'est la colonie israélienne (défendue aux Palestiniens cela va de soi). Je constaterai plus tard qu'une des deux femmes attend un soldat qui l'escortera pour traverser la zone interdite jusqu'à son logement. drôle de vie.

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Nous continuons toujours et arrivons sur une esplanade. Nous tournons sur la droite et nous trouvons devant un nouveau checkpoint. A notre droite encore, toujours la même colonie israélienne. Le guide nous explique que certains enfants ont peur de franchir ces checkpoints de peur de rester enfermés plus ou moins longtemps dans le sas avec les soldats israéliens. Drôle de vie pour des enfants... Les habitants doivent eux-aussi en tenir compte dans leur temps de déplacement, tout en sachant que ces portes peuvent se fermer à tout moment, sans explication et pour une durée indéterminée.

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J'ai oublié d'expliquer jusqu'ici la situation spécifique de la ville, véritable poudrière au sein d'un territoire lui-même explosif. En janvier 1997 a été ratifié le "Protocole de redéploiement dans la ville d'Hébron". Il scinde la ville en deux : H1 sous contrôle palestinien représente 80% du territoire de l'agglomération, H2 sous contrôle israélien représente les 20% restants. Le problème, c'est que la colonie israélienne mite la partie palestinienne, et tout cela dans le coeur historique sacré pour les deux religions. Les chiffres sont éloquents : le centre-ville abrite 40 000 Palestiniens et 850 colons israéliens. 650 soldats israéliens assurent la sécurité de ces derniers. Plus de 2 soldats pour 3 colons !!!

Nous rebroussons chemin jusqu'à la grande esplanade et continuons notre progression. Nous passons devant un immeuble atypique : des drapeaux israéliens et palestiniens ornent la même façade et devant l'immeuble stationnent des colons et des soldats armés. Le guide nous explique que l'immeuble appartenait entièrement à des Palestiniens. Un jour, des colons sont arrivés et se sont appropriés une pièce de l'immeuble. Les propriétaires ont protesté verbalement mais les colons étaient armés. Petit à petit les colons grignotent l'espace, intimident les occupants d'origine, percent les murs ... sous la protection de l'armée qui doit assurer leur sécurité. Un comble ! La famille palestinienne doit s'organiser pour rester toujours présente sous peine de voir une nouvelle partie de son logement dérobé. La guerre d'usure se poursuit faite d'humiliation et d'intimidation. Dans d'autres contrées, on parlerait de pratiques mafieuses ou criminelles. Ici, cela semble normal avec la bénédiction de l'armée en quelque sorte.

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Le guide nous conduit ensuite au bout de la rue et là, la rue est littéralement coupée en deux par un grillage. H1 d'un côté, H2 de l'autre. Des soldats sont stationnés à proximité pour surveiller les déplacements. Une petite porte verrouillée existe entre les deux zones. Il faut l'accord des soldats pour la franchir. Le grillage est certes moins impressionnant que le mur de Bethléem, il n'en reste pas moins une vraie barrière de séparation entre les communautés. La résolution du conflit me semble de plus en plus compliquée à envisager compte tenu de ces conditions de vie. Malheureusement, ce n'est pas le pire...

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Nous rebroussons chemin et retournons au checkpoint à l'entrée du souk, près du Tombeau des Patriarches. Le passage se fait rapidement et sans problème dans ce sens. Nous remontons ensuite le souk. Celui-ci est de prime abord tout à fait normal et animé, mais nous découvrons rapidement l'envers du décor : au-dessus de nos têtes, les ruelles sont presque toutes couvertes soit par des tentures ou soit par de très discrets filets. Plus loin, celles-ci laissent la place à des grillages. Pour protéger les passants des chutes d'objets involontaires pensais-je naïvement. Le guide nous dévoile la réalité : les Palestiniens vivent en bas, les colons en hauteur, et ces derniers balancent leurs ordures sur les passants de la rue. De tels agissements sont-ils le fait d'êtres humains ? Il est permis d'en douter non ?

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Le guide poursuit notre circuit découverte. A la sortie du souk, un passage couvert part sur la gauche. Un ancien passage entre deux rues aujourd'hui muré par des panneaux de béton. En signe de protestation, des habitants ont peint le mur. Nous nous engouffrons dans une cage d'escalier, grimpons 3 ou 4 étages parsemés d'appartements familiaux, et nous retrouvons sur une terrasse. Celle-ci offre une belle vue sur la ville. Malheureusement, en nous retournant, on aperçoit en léger surplomb des fils de fer barbelés et un mirador. C'est le territoire des colons qui n'hésitent pas à venir de temps à autres percer les citernes d'eau des palestiniens stockées sur le toit. Ceux-ci doivent alors en racheter d'autres. Une telle attitude des colons est scandaleuse dans un pays qui manque cruellement d'eau, qui en dessallinise pour couvrir ses besoins et qui restreint volontairement la distribution de cette ressource vitale en territoire palestinien (l'eau courante ne serait disponible qu'un jour tous les vingt jours).

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 Pour terminer la visite, nous devons rallier les locaux d'une association culturelle franco-palestinienne. La porte est malheureusement fermée. Sans doute parce que c'est jour de fête. En regagnant la rue principale, de très jeunes enfants nous balancent des pierres. Nous les rappellons à l'ordre, mais ils continuent dès que nous avons tourné le dos. Savent-ils que nous sommes des touristes ou nous prennent-ils pour des Israéliens ? Dans tous les cas, leur attitude est évidemment condamnable, mais nous gardons aussi à l'esprit qu'eux n'ont connu que la guerre, l'intimidation, voire les humiliations. A peine sortons-nous de l'étroite ruelle, nous retrouvons une rue commerçante. Celle-ci est surplombée par un mirador avec un militaire en faction, séparée par un portail verrouillé et des grillages du quartier-colonie voisin. Et je remarque qu'une échoppe qui vend des jouets expose sur son étal à même la rue des armes en plastique. CQFD !

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Nous rallions le bus pour effectuer deux visites supplémentaires, puis gagnons ensuite les faubourgs éloignés de la ville. Ce soir nous dormons chez l'habitant. Et des habitants qui vivent dans un quartier aisé digne de certaines banlieues américaines. Notre dortoir dans le sous-sols de l'habitation possèdent toutes les commodités : des lits, une douche et un wc. Le salon et la cuisine nous accueillerons pour le diner. Une étudiante qui parle français viendra même nous faire la conversation. Quel luxe ! Mais à peine avons-nous posé nos affaires que nous sommes invités à prendre le thé chez la famille voisine. Deux jeunes professeurs à l'université de la ville, les parents et le frère handicapé de l'un d'eux nous reçoivent royalement et plein de curiosité. Belle soirée après une après-midi révoltante (et après 4 jours de Nature).

 

Jour 7 : Retour à Bethléem

La journée débute par une visite du Tombeau des Patriarches que nous n'avons pas visité hier en raison de la fête. Le guide ne peut pas nous accompagner et reste derrière le barrage mis en place par les soldats israéliens "Are you muslims ?" (cf. journée précédente). Nous nous dépêchons pour ne pas bloquer notre guide trop longtemps. Dès l'entrée du site, un soldat parlant français s'approche de nous et nous sert de guide. Il est courtois et avenant. Il effectue son service militaire pour les 3 années règlementaires et vient de région parisienne. J'avoue que je ne comprends pas pourquoi il vient s'engager ici volontairement alors qu'il aurait pu le faire dans son pays d'origine.

La vieille ville est aujourd'hui déserte en comparaison d'hier, mais toujours aussi belle avec ses pierres de taille et son uniformité. Nous reprenons ensuite le bus direction Bethléem. L'occasion pour moi d'évoquer ici le système des plaques d'immatriculation en Israël-Palestine. Si vous êtes Israélien ou touriste, vous obtenez une plaque jaune. Si vous êtes Palestinien, vous obtenez une plaque blanche. Impossible d'avoir l'autre couleur. Les premiers ont accès à la plupart des routes, en particulier celles en meilleur état et aux autoroutes. Les plaques blanches ont interdiction d'emprunter ce bon réseau et doivent faire des détours parfois longs, sur des routes en moins bon état (quand il s'agit de routes et non pas de pistes). Comme si ce n'était pas suffisant, les plaques blanches sont aussi confrontés à de nombreux barrages et points de contrôle, certains fixes et d'autres mobiles, où ils sont soumis au bon vouloir des "gardiens". Mais cela n'est toujours pas assez pénible alors des routes sont fermées sans annonce préalable, et sans limite de durée. Bref un Palestinien qui prend la route sait quand il part et où il veut aller, mais il ne sait ni comment, ni quand, ni même si il arrivera. En tant que touristes, nous sommes malgré tout chouchoutés.

Arrivés à Bethléem, le minibus nous dépose précisément au bout du Mur où nous nous étions arrêtés le deuxième jour avant de rebrousser chemin. C'est une zone de parkings à l'air libre et à l'ombre du Mur. Les Palestiniens qui ont la "chance" de travailler dans la ville voisine de Jérusalem, y laissent leur voiture pour rallier leur destination à pied. Ils doivent en effet franchir le Mur au checkpoint de Qalandiya vers lequel le guide nous conduit ce matin. D'autres viennent en taxis qui patientent devant la sortie du chekpoint. Pour la même raison, des vendeurs ambulants circulent alentours. Il faut dire que 50 000 Palestiniens transitent ici tous les jours. 50 000 !

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Chacune et chacun d'eux doit se lever très tôt le matin alors qu'il fait encore nuit et que le checkpoint ouvre quelques heures plus tard. Ils viennent faire la queue dans le long couloir qui ressemble à un abattoir sans avoir la garantie de pouvoir passer de l'autre côté. Tous ont leur laisser-passer du jour, mais les soldats peuvent décider de ne pas les laisser passer pour des motifs futiles ou sans raison. L'attente est inconfortable car vous ne pouvez pas quitter la file sous peine de perdre votre place. Pas possible d'aller aux toilettes, ni de faire demi-tour. Il y a un couloir pour entrer à Jérusalem et un pour sortir. Chacun a à peine la largeur de deux personnes côte-à-côte. Au bout du couloir, après une attente interminable, il faut franchir deux sas successifs. Dans chacun, une guérite où il faut montrer ses papiers et son laisser-passer, puis attendre le verdict de l'agent.

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Chaque jour, des Palestiniens sont refoulés. Leur employeur ne les verra pas et ils ne seront pas payés. Certains perdront même leur emploi ou leur droit d'accès à Jérusalem pour une période plus ou moins longue. Face à cette situation précaire et indigne, de courageux militants israéliens (homme et femme, jeunes et moins jeunes) ont décidé de se mobiliser. Ils viennent au checkpoint et s'assurent que les Palestiniens sont traités équitablement. Ils prennent des photos pour les relayer auprès de l'opinion publique dans l'espoir que celle-ci réagisse. Certains vont jusqu'à défendre verbalement les Palestiniens. En contrepartie, ils se font parfois insulter par les militaires, les colons ou les éléments extrémistes. Sacré courage et bel exemple de résistance.

 

Nous quittons ce sinistre endroit pour rejoindre le centre-ville de Bethléem et visiter la Chapelle de la grotte de Lait que nous avions manquée le 2ème jour. Nous découvrons à nouveau une autre facette de cette même ville si différente de celle que nous venons de quitter.

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Puis, nous reprenons le minibus en direction du camp de réfugiés de Dheisheh dans la périphérie. Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer, les camps de réfugiés palestiniens ne ressemblent pas à ce à quoi l'on pourraient s'attendre. Comme ils ont été créés il y a plusieurs décennies, les tentes ont laissé place à des constructions en dur. Il est donc difficile de prime abord de les dissocier du reste de la ville.

A l'entrée de celui-ci, se trouve le vestige d'une porte-tourniquet qui était auparavant l'un des seuls points d'accès au camp. Une clôture séparait ce dernier du reste de la ville. La clôture a aujourd'hui disparu, mais ce vestige a été conservé pour témoigner du passé. 

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Un imposant bâtiment des Nations Unies (donnant également sur la rue) se dresse aujourd'hui juste après l'entrée du camp, sur la droite. Un centre pédagogique, géré par les habitants du camp, y occupe un petit local au rez-de-chaussée. Nous y pénétrons pour écouter l'histoire du lieu et regarder les quelques photographies. On nous raconte également les conditions de vie de ses habitants, avant d'aller faire une visite pédagogique d'une durée de 20 minutes dans le camp.

J'apprends que les Palestiniens chassés des territoires conquis par Israël en 1948 et 1967 se sont réfugiés dans des camps comme celui-ci. Ces camps étaient surpeuplés et les conditions de vie très rudes. Les réfugiés recevaient à leur arrivée et après enregistrements, des cartes d'identification. Celles-ci leur donnaient par exemple droit à des rations pour survivre. Il faut préciser que le camp de Dheisheh était géré par l'ONU.

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Au fil du temps, les tentes ont cédé place à des constructions d'immeubles en briques. Chaque famille était logée dans un logement de 3m x 3m, quel que soit le nombre de ses membres. Il était interdit d'agrandir l'habitation, ou même de la modifier, si bien que les familles vivaient entassées. Les immeubles du camp sont très hauts. Il y faisait froid l'hiver.

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Le camp était donc entouré d'une barrière et de portes-tourniquets permettant de contrôler les mouvements de la population. Ces barrières ont été abattues. Les habitants peuvent donc entrer et sortir librement durant la journée, mais ils doivent rentrer dans le camp pour la nuit.

Face à ces conditions de vie difficiles et pénibles, des émeutes ou échauffourées éclataient et éclatent de temps en temps. L'armée réagit toujours très vite, avec les gros moyens et en montrant les muscles. Certains y ont laissé la vie, ce dont témoignent des peintures murales à l'entrée du site.

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D'autres au contraire privilégient l'art pour s'exprimer.

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La visite du camp de Dheishehb touche à sa fin mais notre journée n'est pas finie. Nous reprenons le minibus en direction de la vallée de Wadi Fukin. Le guide nous dit que nous y allons pour pique-niquer, mais il ne nous dit pas tout... Nous effectuons une brève halte en chemin, sur une colline en surplomb de la vallée. Droit devant, la route descend dans la vallée. De part et d'autre, deux collines sont hérissées d'ensemble immobiliers modernes et élégants. Deux colonies israéliennes en plein essor. Un troisième chantier est même en cours sur notre colline, un peu en contrebas, les deux colonies ayant vocation à se rejoindre pour n'en former plus qu'une.

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Vu d'ici, on dirait deux complexes touristiques gigantesques, avec tout le confort et toutes les commodités. La réalité est bien sûr différente... Ils sont d'ailleurs entourés de grillage pour protéger et interdire l'accès.

Nous remontons dans le minibus, rejoignons une piste en terre et traversons une belle vallée maraîchère. L'endroit est charmant, paisible et ressourçant. Bref, le lieu idéal pour prendre le déjeuner et décompresser un peu des images choc de ce matin (le checkpoint et le camp).

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Au bout de peu de temps, notre pique-nique arrive, puis un homme curieux qui nous pose des questions sur notre voyage et notre ressenti. Je suis d'abord un peu méfiant compte tenu de ce que nous avons vu. J'ai aussi besoin de recul et de temps pour cela. Puis, mes doutes se dissipe lorsqu'il s'assied avec nous et nous explique être diplomate palestinien auprès de l'Union Européenne. Quelle rencontre insolite dans cet endroit reculé et en même temps symbole du conflit en cour ! Même si je dute que cette rencontre soit totalement fortuite.

Le diplomate commence par nous parler de la vallée où nous nous trouvons. Ils parlent de sa beauté et de la douceur de vivre autrefois. Puis, il explique que les deux colonies que nous voyons ont rapidement grossi, que les colons extrémistes qui s'y sont installés viennent intimider et embêter les cultivateurs palestiniens. Quelques exemples visibles sur la photo ci-dessus :

- le réservoir d'eau douce que vous voyez au premier plan à gauche est destiné à arroser les cultures. Les colons viennent s'y baigner lorsqu'il fait chaud alors que cette ressource hydrique est extrêmement rare pour les Palestiniens. Plusieurs fois dans le passé, ils sont aussi venus la souiller pour la rendre impropre à la consommation. Un gaspillage inouï puisque cette eau sert à irriguer les cultures comestibles.

- si vous regardez attentivement la collline sur laquelle est installée la colonie, vous remarquerez sur la gauche une courte coulée verte où les végétaux ont poussé. Savez-vous de quoi il s'agit ? Des égoûts de la colonie qui se déversent dans la vallée pour contaminer les sols !!!

L'objectif de ces colons fanatiques est vraiment de faire fuir les occupants palestiniens historiques pour prendre leur place. Tout cela au 21ème siècle !

 

Le diplomate nous fait ensuite part de son analyse géopolitque sur la Palestine, Israël, sa mission auprès de l'UE, ... Il semble intarrissable sur tous ces sujets si bien que la discussion est passionnante. Orientée certes, mais passionnante. Et triste également car le diplomate lui-même semble assez pessimiste sur l'évolution du conflit et des Territoires Palestiniens. Cette rencontre vient clore en apothéose notre circuit.

Ce soir, nous dormirons au même hôtel de Bethléem que celui où nous avions passé la première nuit. Notre guide nous fera ses adieux car demain nous devons visiter la mythique Jérusalem. Or il n'a pas d'autorisation pour s'y rendre. Pire, il n'est pas le bienvenu et risque la prison s'il est arrêté. Nous aurons donc un nouveau guide abilité (un Palestinien vivant en Israël).

 

Je ne traiterai pas de la visite de Jérusalem dans cet article car ce n'est pas le sujet. Je dirai juste que Jérusalem est une ville multiculturelle fantastique avec son flot de pélerins des 3 grandes religions monothéistes venus du monde entier. Chaque site de la vieille ville et de ces environs évoque des épisodes de la Bible. L'ambiance de cette journée n'a donc plus rien à voir avec celle du reste du séjour. J'ai l'impression de faire un nouveau voyage.

Depuis mon retour, plusieurs épisodes ont de nouveau défrayé l'actualité des deux pays. Ces épisodes m'ont marqué par leur stupidité et l'aveuglement des autorités israéliennes en faveur d'une solution à un état - alors que la communauté internationale, moins les Etats-Unis, espère une solution à deux états voisins. Il me semble également que Jérusalem doit rester une ville-monde, propriété de tous, car sacrée pour 3 des principales religions de notre planète. Pour moi, Jérusalem n'a pas vocation à devenir la capitale autoproclamée (unilatéralement ou presque) d'un état qui prône ou encourage la violence dans ses agissements quotidiens avec ses "voisins". Mais après tout, qui suis-je pour me prononcer ?

Depuis mon retour, j'ai aussi continué de m'informer en lisant par exemple un superbe (mais révoltant) livre : "Un royaume d'olives et de cendres" compilé par Michaël Chabon et Ayelet Waldman. 24 écrivains du monde entier ont fait le déplacement en Israël-Palestine et chacun en est revenu avec un témoignage sur la vie des habitants. Chacun a rédigé un court récit avec sa propre sensibilité (artistique, littéraire, citoyenne, militante, sportive, ...).

 

Pour aller plus loin et confirmer ou non mes propos, je vous invite également à aller sur le site internet de "Breaking the Silence" qui recueille les témoignages de soldats israéliens ayant servi dans les Territoires Palestiniens.

Je vous invite aussi à vous renseigner sur les actions d'ONG fondées par des femmes et des hommes, Israéliens et/ou Palestiniens, qui souhaitent mettre un terme au conflit. Parmi elles : B'Tselem, Youth Against Settlement, Ta'ayush, Machsom Watch,... De belles initiatives de la part de citoyens qui refusent de se résigner face aux injustices et aux malheurs actuels dans les deux camps.

Et puis pour terminer, je vous invite à vous rendre sur le circuit d'Abraham, qui a été couronné du Grand Prix du Trek de l'année 2018 par le magazine Trek Magazine. Après tout, rien de mieux que d'aller voir de ses propres yeux non ?

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