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Le tour du monde en 80 clics
24 octobre 2012

Au pied de l'Everest (1ère partie) : de Kathmandou à Namche Bazar

Localisation du Haut-Khumbu

L'Himalaya... L'Everest... Vous avez bien sûr déjà entendu parler au moins une fois de ces deux lieux mythiques. Vous savez que le premier désigne une chaîne montagneuse située au nord de l'Inde et qui regroupe les plus hauts sommets de la Terre, tandis que le second est la plus haute montagne au monde avec ses 8 848 mètres d'altitude. Peut-être avez-vous aussi vaguement entendu parler de quelques expéditions internationales qui ont été organisées pour partir à la conquête de ces sommets et de la gloire. Enfin, vous avez peut-être eu l'occasion de regarder des films (tels que "Sept ans au Tibet" ou "Himalaya, l'enfance d'un chef") ou des documentaires sur cette contrée lointaine. Mais quelle image vous faites-vous plus précisément de cette région ?

Dans cet article, je vous présenterai quelques facettes de cet Himalaya légendaire à travers le récit d'un trekking d'une quinzaine de jours dans le Haut-Khumbu. Il s'agit d'une région située au nord-est du Népal et qui s'étend au pied de l'Everest. Elle n'est bien sûr pas représentative de l'ensemble de l'Himalaya, cette chaîne montagneuse abritant une grande diversité de paysages, d'écosystèmes, d'ethnies et de cultures. Mais elle vous permettra de vous faire une première idée de ces terres si insolites. Vous pourrez compléter cet aperçu par la lecture du blog "Le tour des Annapurnas au Népal" accessible depuis la rubrique "Carnets de voyage" de ce site. Ce second blog relate un trekking d'une dizaine de jours dans le massif des Annapurnas au nord-ouest du Népal. Bonne lecture et bon voyage ...

 

Lundi 18 avril 2011 - Kathmandu > Lukla (2 850m) > Phakding (2 660m)

6h30 : le réveil sonne. Une nouvelle journée commence, mais pas n'importe quelle journée. Je suis à Kathmandou, la capitale du Népal et je dois ce matin prendre l'avion pour rejoindre un village situé en plein coeur de l'Himalaya. Je voyage avec une agence de trekking française et nous sommes six participants.

7h45 : nous quittons l'hôtel après avoir pris un petit déjeuner et fait nos sacs pour les 16 prochains jours. La préparation des sacs n'a pas été trop difficile puisque nous savions dès le départ que nos affaires ne devaient pas excéder les 12,5 kilos (hors équipement quotidien). En embarquant dans le minibus, nous faisons la connaissance du chef de notre équipe sherpa qui nous accompagnera tout au long de notre randonnée : Pasang. Le pauvre n'a pas l'air en forme ; il semble avoir un gros rhume et une conjonctivite. Direction l'aéroport maintenant.

Sur la route déjà empruntée hier matin, nous pouvons observer la vie quotidienne dans la capitale népalaise : les petites échoppes qui bordent les rues, la circulation parfois chaotique, les écoliers se rendant à l'école et les passants déambulant vers un lieu connu d'eux seuls. Il faut ajouter à ces images, les bruits de la ville, ceux de la circulation et le concert de klaxons. Nous sommes déjà dépaysés et émerveillés par ce "monde" si différent de notre univers aseptisé.

8h30 : notre minibus pénètre dans l'enceinte de l'aéroport et se dirige vers le terminal domestique. Il rejoint un petit parking où règne une fois de plus le "chaos" : des véhicules sont stationnés ou immobilisés dans tous les sens, entravant la circulation des passagers népalais, des nombreux touristes et des porteurs de bagages qui s'activent pour être les premiers à proposer leur service. Tout le monde descend !

Nos bagages sont aussitôt entassés sur un trolley que nous suivons à la trace. Sur le chemin menant au terminal, nous repérons un groupe de macaques se déplaçant à vive allure sur un des murs de l'aérogare. Décidément, nous sommes vraiment loin de chez nous.

Nous pénétrons alors dans l'aérogare. En fait d'aérogare, il faut imaginer un immense entrepôt en béton de forme rectangulaire. Lorsque vous franchissez la porte d'entrée, vous commencez par passer un portique de sécurité comme dans n'importe quel autre aéroport du monde. Vous débouchez alors dans un grand hall où sont entassés pêle-même passagers et bagages. Aux extrémités de celui-ci, les comptoirs des compagnies et les guichets d'enregistrement. Il nous faut attendre désormais. Notre guide Dorje se charge de trouver la bonne compagnie entre Yéti Airlines, Tara Airlines et consoeurs. Le temps passe mais nous ne sommes visiblement pas pressés parce qu'aucun vol n'est prévu avant 10h - 10h30. Notre vol doit normalement décoller à 10h30 pour Lukla, dans la région du Khumbu.

9h30 : Voilà maintenant une bonne heure que nous sommes debouts dans le même hall d'entrée de l'aérogare. Les portiques de sécurité continuent d'emplir le hall sans que celui-ci ne se vide aussi rapidement du côté des comptoirs d'enregistrement. Je suis curieux de savoir jusqu'à combien on peut tenir dans ces locaux de plus en plus exigüs et encombrés par des montagnes de bagages ? Tout en restant zen, vacances obligent, je commence à me demander pourquoi nous n'avons pas encore bougé ne serait-ce que de quelques mètres. Je suis en tout cas surpris par le nombre de touristes qui partent comme moi réaliser un trekking dans la chaîne himalayenne.

Un peu plus tard, le signal nous est enfin donné. Nous pouvons franchir les comptoirs d'enregistrement et passer par une des petites portes conduisant à ... un second hall doté de nombreux bancs. Nous filons nous asseoir. L'attente reprend de plus belle et dure... dure... dure... Nous nous rapprochons de l'heure de départ des premiers vols et rien ne se passe. Les autres passagers restent sur leurs sièges et aucun ne se dirige vers les portes d'accès au tarmac. Soudain, la nouvelle tombe par la bouche de Dorje : les vols sont suspendus en raison des conditions météo trop mauvaises (nuages et pluie). Jusqu'à quand ? 1 heure, 2 heures ou peut-être la journée entière, tout dépend de l'évolution de la météo. Celle-ci est pour l'instant difficile avec nous : hier déjà, notre avion en provenance de Bahreïn avait dû tourner 45 minutes au-dessus de Kathmandou en raison des nuages et des conditions climatiques.

L'attente s'éternise et nous, on s'organise. Nous nous reposons un peu pour compenser le lever aux aurores et la nuit blanche de l'avant-veille, nous jouons au UNO et lisons nos livres. J'amorce aussi la discussion avec un groupe de Grecs très sympathiques. Mon interlocutrice, Paraskevi, est professeur d'anglais dans la région d'Athènes. Elle visite une nouvelle fois le Népal mais le fait découvrir à quelques uns de ses amis. Eux aussi se rendent au pied de l'Everest mais leur séjour est plus rapide (une douzaine de jours).

12h30 : Dorje nous propose d'aller déjeuner dans le restaurant de l'aéroport. Proposition acceptée à l'unanimité, même si nous devons nous tenir prêt en cas de rétablissement des liaisons aériennes. Partirons-nous ? Ne partirons-nous pas ? L'incertitude demeure. Le pessimisme s'installe même avec l'arrivée d'une vague de brouillard sur le tarmac.

Le repas est vite avalé et nous redescendons nous asseoir dans le hall d'embarquement désespéremment rempli de passagers en attente. Nous reprenons nos activités : lecture, repos, discussion au sein du groupe ou avec notre nouvelle connaissance grecque. Les bulletins d'informations se succèdent jusqu'à ce qu'on nous annonce une embellie à venir et la reprise des vols depuis Lukla. On nous garantit également que nous aurons une place dans la seconde rotation. Il faut maintenant patienter 45 minutes avant que les premiers aéronefs n'atteignent Kathmandou.

L'agitation est montée d'un cran dans le hall depuis que le bruit des rotors des premiers avions s'est fait entendre. Les premiers depuis ce matin 10h30 ! Des annonces régulières sont faites pour inviter des groupes de passagers à se présenter à l'embarquement, puis à rejoindre le tarmac. Les liaisons aériennes sont rétablies vers l'ensemble de la chaîne himalayienne. Vient notre tour : on nous demande de nous rapprocher de la porte d'embarquement. Là, je remarque qu'en fait il n'y a pas une mais deux portes : une pour les femmes, une pour les hommes. Surprenant ! On reste là à attendre encore une bonne vingtaine de minutes car notre avion n'a toujours pas atterri. D'autres groupes de touristes nous passent devant plus chanceux. Pourvu que le beau temps persiste...

La nouvelle tombe enfin : notre avion vient de débarquer ses précédents passagers en provenance de Lukla. Dorje se presse de nous informer qu'il va pourtant falloir patienter encore un peu car les pilotes sont partis déjeuner. Nous sommes en plein milieu de l'après-midi mais bon pourquoi pas ? Nous ne sommes plus à quelques minutes près de toute façon. C'est ainsi que s'achève notre séance de bizutage népalais.

16h : Nous passons les portes d'embarquement et grimpons dans un minibus où nous sommes bientôt rejoints par un groupe d'Américains. Le minibus démarre et nous conduit jusqu'à un petit appareil d'une quinzaine de places. Nous montons à bord et nous installons.

Je suis assis juste derrière la cabine des pilotes et peux donc les voir en pleine action. Ils procèdent au check-up de routine pendant que l'unique hôtesse distribue des morceaux de cotons (destinés à se boucher les oreilles pendant le vol) et un petit bonbon acidulé. Je prends le bonbon et laisse le coton. Les hélices se mettent à tournoyer, l'appareil s'ébranle et rejoint le bout de la piste. Dernière immobilisation, dernier virage, nous sommes dans l'axe de la piste. Plein gaz, nous prenons de la vitesse et voyons l'aérogare défiler par les hublots. Puis l'avion s'arrache au sol. En route pour l'Himalaya !!!

Première déception, la visibilité est très réduite sur la plupart du trajet à cause d'épais nuages. Nous n'apercevons donc que des bribes de paysages lorsqu'on passe au-dessus d'une "trouée". Mais il faut relativiser car nous faisons route vers Lukla alors que cela nous semblait compromis il y a quelques heures encore. De plus, les nuages se clairsèment en approchant de l'arrivée laissant entrevoir des sommets enneigés :

Vol Kathmandou - Lukla

L'arrivée sur Lukla est impressionnante. L'appareil franchit pour commencer une ligne de crêtes d'où les vents remontent des deux côtés à la fois. Attention aux turbulences ! L'aéronef amorce ensuite une descente rapide et l'on voit surgir à travers les hublots la petite piste de Lukla (une des plus dangereuses au monde selon certaines sources en raison de sa petitesse).

Arrivée à l'aéroport de Lukla    La piste d'atterrissage de l'aéroport de Lukla

La piste grandit, grandit, le plancher des yaks se rapproche. Les roues touchent le sol, rebondissent légèrement, puis retrouvent le sol. Les pilotes freinent alors fortement au point qu'un des Américains assis à côté de nous - et d'un bon gabarit - en a même cassé son siège sans se faire mal. L'appareil rejoint immédiatement le parking pour dégager la piste au dernier avion qui doit atterrir. Nous étions quatre avions à nous "suivre" ainsi.

17h : Le trafic étant temporairement interrompu (tous les avions étant stationnés), nous sommes invités à descendre sur le tarmac et rejoignons la sortie de l'aérogare. Nos bagages sont déchargés à la main d'une soute située dans le nez de l'aéronef et d'une autre située à l'arrière. Nous n'avons pas à nous en soucier nous indique Dorje.

Le tarmac de l'aéroport de Lukla

Au-delà de ces insignifiantes contingences matérielles, le choc est très fort : alors que nous étions il y a moins d'une heure dans la capitale du pays, nous nous retrouvons sur la piste d'un aéroport de montagne à 2 850m d'altitude. Le village n'est relié à aucune route, les premières villes sont loins, les montagnes nous encerclent. Notre trek commence véritablement maintenant. Quelle chance d'être là ! Dommage que mes proches ne puissent pas en profiter avec moi.

La journée n'est pourtant pas finie car nous devons encore relier Phakding à 2h30 de marche. C'est là que se trouve notre lodge de ce soir. Nous commençons par sortir de l'aérodrome via un portail situé sur le côté droit de le petit aérogare. Nous y rencontrons notre équipe de Sherpas qui se chargera du portage de nos bagages pendant toute la durée du trek. Nous devons juste leur indiquer quel est notre bagage et, une fois l'opération achevée, prendre la route car nos porteurs nous rattraperont très vite. Nous empruntons alors une petite ruelle étroite au sol de terre battue et contournons l'aérodrome. Nous profitons un petit moment du magnifique point de vue sur celui-ci et sur le cadre naturel environnant, avant de rejoindre la rue principale de Lukla bordée d'habitations et d'échoppes.

L'aéroport de Lukla (2840 m)    La rue principale de Lukla et un mani

L'architecture des bâtiments est simple, sobre et avant tout utilitaire. Les matériaux de construction (pierre, bois, terre, ...) proviennent clairement de la région, à l'exception sans doute des toits de tôle ondulée. Les boiseries sont peintes en bleu ou en vert, apportant une petite touche de couleur à cet univers minéral grisâtre. La rue est pavée à quelques endroits de dalles de pierre. Un chemin en terre battue comble les interstices. Enfin, un mani, c'est-à-dire une pierre gravée et peinte de mantras ou formules sacrées, se dresse au centre de la rue. C'est à peu près le seul indice qui permette de savoir où nous nous trouvons réellement car le reste du décor pourrait aisément se retrouver dans d'autres contrées du globe.

La vie semble s'écouler paisiblement en cette fin de journée. Ici, des enfants et des femmes se tiennent debout sur le seuil de leur habitation ou de leur boutique. Là, un groupe d'enfants est en train de jouer à un jeu inconnu.

Enfants en train de jouer - Lukla

17h 30 : Nous effectuons une halte dans le lodge situé à la sortie du village, le temps que Dorje règle les dernières formalités et que nous récupérions quelques vêtements. Nos porteurs consolident leur chargement en les glissant dans des sacs de toile et en les harnachant plus solidement. Puis nous franchissons à 18h le portail-mémorial qui matérialise le début officiel de notre randonnée.

Un chorten devant le lodge Yéti Mountain de Lukla    Portail marquant le début du trek - Lukla

Nous pénétrons immédiatement sous un couvert forestier. La piste y descend rapidement en serpentant sur les flancs de la montagne. Pas trop difficile comme départ ! Il parait que ça le sera un peu plus au retour.

Descente dans une forêt à la sortie de Lukla

Les arbres se clairsèment au fil de notre progression si bien que la vue se dégage de plus en plus vers l'aval. Le chemin s'aplanit également au bout d'une quinzaine de minutes de descente. Des champs occupent alors l'espace laissé vacant par les arbres, des paysans et paysannes les cultivent, leurs enfants parfois à leur côté. La vue de ces parcelles soigneusement cultivées, des terrasses "gagnées" sur la montagne et des murets de pierres élevés au bord des chemins témoignent de l'ardeur des habitants et me laissent plein d'admiration pour eux.

Paysans dans leurs champs aux environs de Muse    Paysannes dans leurs champs aux environs de Muse

Nous traversons plusieurs villages reliés entre eux par cette ligne de vie qu'est le chemin que nous empruntons. C'est grâce à lui que ces hauts hameaux ne sont plus isolés, qu'ils peuvent bénéficier d'un approvisionnement varié et régulier, et qu'ils peuvent profiter un minimum des retombées économiques du tourisme. Des caravanes de mulets et de dzos parcourent en effet en permanence cet axe de circulation qui mène jusqu'à Namche Bazar, la capitale du pays sherpa. Nous les croisons régulièrement ou sommes rattrapés par eux et devons nous mettre sur le bord du sentier, du côté opposé de la pente, pour les laisser passer. Les ânes sont appréciés pour leur résistance et la charge qu'ils peuvent supporter. Les dzos, issus d'un croisement entre des vaches et des yaks, sont également utilisés bien que plus frêles.

Cet accès relativement aisé aux différents hameaux ne s'est pas traduit par un effacement de la culture locale au profit d'une culture mondialisée propagée par l'afflut des touristes. L'identité de la région demeure au contraire forte et vivante. La preuve : dans chaque village que nous traversons, se dressent plus ou moins au bord du chemin murs mani (constitués d'un amas de stèles gravées et peintes du symbole Om Mani Padme Hung), moulins et drapeaux à prières que nous contournons par la gauche comme le veut l'usage.

Mur mani avant Lomdzo    Un mât et une porteuse près de Thalsharoa

Nous marchons depuis un peu moins d'une heure maintenant et continuons à nous enfoncer dans la vallée de la rivière Dudh Koshi Nadi. Entre aujourd'hui et demain, nous allons suivre ce fil rouge sur près de 20 kilomètres pour rallier Lukla à Namche. Le panorama est austère mais joli :

Panorama sur la vallée de la Dudh Koshi Nadi près de Thalsharoa

19h03 : Nous nous retrouvons devant notre premier "obstacle" ou plutôt devant notre premier pont suspendu, un élément très courant dans les régions montagnardes du Népal (cf. blog sur les Annapurnas). Dorje nous transmet à cette occasion la seule consigne importante concernant ces ouvrages : ne jamais s'engager sur ceux-ci lorsqu'une caravane de yaks ou d'ânes ou autres arrive en sens inverse car les animaux ne s'arrêtent pas. Pareil, si une caravane vous suit, soit vous la laissez passer, soit vous vous dépêchez de traverser si vous êtes déjà engagé.

J'ai  une vague appréhension pour ces constructions suspendues étant sujet au vertige. Mais je sais aussi qu'avec de la volonté on peut passer beaucoup d'obstacles : il suffira de faire abstraction du vide et de penser aux riches promesses des prochains jours. Je laisse mes coéquipiers passer devant et prendre un peu d'avance pour ne pas avoir à m'arrêter et commence la traversée.

Un 1er pont suspendu avant Chheplung

Les premiers mètres ne sont guère impressionnants puisque le sol est à peine à 50 cm sous mes pieds. Je remarque par contre que le "sol" du pont est plein d'interstices et que je verrai donc le vide si je regarde devant mes pieds. Je regarderai donc droit devant, l'autre côté du pont. Mais évidemment dès que le pont bascule dans le vide (qui reste correct par rapport aux ponts à venir), mon regard plonge aussi vers le vide. Curieusement mon vertige est modeste : certes je ne suis pas vraiment à l'aise et j'accélère mon pas, mais je suis aussi capable de regarder à plusieurs autres reprises vers le bas, vers le vide.

Ça y est, le premier obstacle est franchi. Nous poursuivons notre cheminement, le jour commençant à décliner fortement.

19h10 : nous arrivons au bourg de Thado Koshigaon que j'avais repéré sur Internet avec sa monumentale pierre mani peinte. Nous devrons là encore franchir un petit pont suspendu au-dessus de la Dudh Koshi Nadi. Et nous avons surtout une très belle vue sur le Kusum Kangguru enneigé, un "6000".

Thado Koshigaon et sa pierre mani    Vue sur le Kusum Kangguru depuis Thado Koshigaon

Le Kusum Kangguru (6370m) vu depuis Thado Koshigaon (2580m)

Le jour décline rapidement, l'obscurité progresse au même rythme, le décor s'efface dans les ténèbres. Seule la ligne du chemin reste visible encore quelques minutes. Et puis nous sommes contraints d'allumer nos frontales, nous ressemblons à des lucioles dans la nuit. Nous marchons ainsi une petite demi-heure avant d'arriver à notre lodge Yeti Mountain de Phakding. Nous prenons possession de nos chambres, dinons, faisons notre toilette et partons nous coucher. Bonne nuit.

 

Mardi 19 avril 2011 - Phakding (2 660m) > Namche Bazar (3 440m)

6h30 : le réveil sonne à la même heure qu'hier, sauf que cette fois-ci nous sommes déjà dans l'Himalaya. La nuit a été très bonne et le lodge très confortable. Commence alors ce qui sera notre rituel quotidien matinal des prochains jours : toilette, petit déjeuner et... préparation des sacs. Nos porteurs préparent ensuite leur chargement en répartissant au mieux les charges. Ils prennent tous les jours les deux mêmes sacs en plus de leurs quelques affaires personnelles. Ils sont au nombre de quatre :

- Chopel Sherpa, le frère de Pasang, est le plus âgé et le plus expérimenté de nos quatre porteurs. C'est aussi le seul adulte. Il conseille et veille sur ses jeunes collègues.

- Newan Sherpa, Ansering et Sangay sont tous trois porteurs pendant leurs vacances scolaires. Deux d'entre eux effectuent le voyage pour la première fois. Les premiers jours, cela me dérange un peu de faire travailler des mineurs. Mais au Népal, les codes ne sont pas les mêmes qu'en Occident : nos jeunes compagnons de route doivent travailler pour aider financièrement leur famille et apprendre un métier qui sera peut-être le leur un jour.

Pasang, que nous avons rencontré à Kathmandou hier et qui souffre toujours d'une belle conjonctivite, est le chef de cette petite équipe. Il la manage le matin délivrant ses conseils et instructions et il veille sur sa progression durant la journée. Il voyage avec nous en permanence et assure notre "sécurité" (il porte notamment la trousse de secours). Pasang a déjà participé à plusieurs ascensions de 8000m et a donc une grande expérience de l'Himalaya. Il provient du même village que nos quatre porteurs et parle un bon anglais.

Kaji nous accompagne également depuis hier en tant qu'assistant guide : alors que Dorje ouvre la marche, Kaji reste à l'arrière et la referme. Il ne quitte son poste que pour réserver un restaurant ou le lodge, et est alors remplacé par Pasang. Aussi sympathique que Pasang, Kaji est plus vif, plus dynamique, plus impulsif. Lui aussi a participé à plusieurs expéditions.

Dorje enfin est donc notre guide pendant tout notre séjour. C'est le seul de l'équipe qui vit à Kathmandou et qui n'est pas sherpa. Comme son nom l'indique, sa famille est d'origine tibétaine. Il accompagne les groupes de trekkeurs sur différents "massifs" (Annapurnas, Everest, ...) et travaille pour l'agence Thamserku. C'est aussi le seul qui parle français couramment, Pasang et Kaji baraguinant quelques mots.

Dorje vient me voir tandis que nous terminons de nous préparer. Les porteurs ne trouvent pas mon sac que j'ai déposé devant l'entrée du lodge avec ceux du reste du groupe. Je l'accompagne donc et lui montre ainsi qu'à Pasang mon sac à dos qui repose devant eux. Tous les deux se mettent à rire. Dorje m'explique que c'est parce que mon sac a changé de couleur. En effet, je l'avais glissé dans sa housse de voyage hier, housse que j'ai retirée ce matin. Les porteurs qui avaient repéré mon sac jaune ne pouvaient donc pas se douter que le sac bleu devant eux était le mien. Je les félicite pour leur vigilance et leur promet de ne plus changer de couleur avant la fin du voyage.

Le départ est prévu pour 8h.

8h15 : un convoi d'ânes arrive à hauteur du lodge. Nous le laissons passer devant, disons au revoir à nos hébergistes et prenons sa suite. Direction Namche Bazar.

Un convoi d'ânes devant le lodge    Les employées du lodge

8h30 : Nous traversons le village de Phakding, le 1er d'une longue série. L'habitat est très dense de part et d'autre du chemin sur une courte distance. Il est également plutôt austère avec ses pierres ou son ciment grisâtres. Heureusement, les boiseries des fenêtres et des portes sont de couleur bleue et viennent égayer l'ensemble. Le chemin est quant à lui bordé de murets de pierre des deux côtés. Il est pavé de manière irrégulière et ponctué de marches, ce qui nécessite d'être vigilant pour ne pas trébucher. Signalons aussi les petits jardins maraîchers qui s'intercalent partout où il y a de l'espace disponible.

Le village de Phakding (2610m)

Nous poursuivons notre marche le long de la Dudh Koshi Nadi, notre fil conducteur de la journée, sans nous arrêter. Nous traversons ainsi plusieurs villages et plusieurs ponts suspendus, nous grimpons un peu, resdescendons au niveau de la rivière, remontons à nouveau. Le paysage défile lentement tandis que les minutes s'égrainent. La marche est fascinante. Elle nous réserve des surprises à chaque instant : une petite fille sur un muret, une fleur sauvage, un mignon petit village, un stupa, une caravane de mules ou de dzos, ... Comment pourrait-on s'ennuyer ?

Petite fille assise sur un mur de pierres    Primevères dans un champ

Un chorten sur le chemin vers l'entrée du Parc National de l'Everest    Dzos sur un pont suspendus entre Bengkar et Chhumowa

10h40 : Nous approchons du village de Monjo, une grosse bourgade. Une longue montée précède l'entrée de la localité. On peut voir en contrebas les trekkeurs qui nous suivent tandis que nous entendons derrière nous les cloches d'un convoi d'ânes et de dzos qui se rapproche. Nous devrons leur laisser la place d'ici quelques mètres en prenant soin de bien nous mettre du côté opposé à la pente. Une bousculade est si vite arrivée.

La descente juste après Chhumowa et avant Monjo

Le village de Monjo est beaucoup plus grand que ceux que nous avons traversé jusqu'alors (mis à part Lukla). Il est aussi beaucoup plus animé : ici des ouvriers taillent des pierres pour réparer un mur écroulé, là un écolier se rend à l'école, ailleurs des paysans cultivent leur champ. Nous contemplons quelques minutes ces scènes de la vie quotidienne qui nous semblent si familières et si différentes en même temps. Le village de Monjo dégage enfin un charme certain avec ses vieilles demeures et son gigantesque mani.

Tailleurs de pierre dans le village de Monjo (2835m)    Un gigantesque mani dans le village de Monjo

Un écolier sur le chemin de l'école - Monjo    Une habitation traditionnelle - Monjo

Nous marchons encore une vingtaine de minutes jusqu'à atteindre peu après 11h la porte d'entrée du Sagarmatha National Park ou Parc National de l'Everest. Il bruine. Nous nous abritons donc dans un restaurant au bord de la route et déjeunons en attendant une accalmie. Dorje et Pasang en profitent pour boucler les dernières formalités dans le poste attenant. Le permis de trekking est dorénavant obligatoire pour pouvoir aller plus loin. Nous nous apprétons à pénétrer dans une zone de légende : la région du toit du monde, rien de moins. Celle que nous avions pu entrapercevoir jusqu'ici dans les livres et sur Internet s'étend à présent devant nous. Encore un peu de patience.

Porte d'entrée du Sagarmatha National Park (Parc National de l'Everest)

12h30 : Nous reprenons la marche vers le but que nous poursuivons depuis 24 heures maintenant : Namche Bazar, la capitale du pays sherpa. Plusieurs heures de marche et d'efforts nous attendent encore avant d'atteindre la petite bourgade. Nous commençons par franchir la porte d'accès au Parc National et observons les peintures bouddhiques qui y figurent. Sous ces dernières, un alignement de moulins à prières est encastré dans de petites niches par groupe de 4 moulins.

Porte d'accès au Sagarmatha National Park    Peintures sous une porte d'accès au Sagarmatha National Park

Nous l'avons vu plus haut, il faut systématiquement passer à gauche de tout objet religieux. Les moulins à prières ne font pas exception. Le croyant ou le touriste respectueux doivent passer à gauche des moulins et les faire tourner de la main droite à l'aide des "poignées" situées sous l'objet. Pourquoi les faire tourner? Les moulins à prières renfermeraient des milliers de prières en leur coeur. Les mettre en mouvement équivaut à réciter les prières. Ainsi, à chaque tour de moulin, les milliers de prières sont récitées et celui qui l'a actionné accumule des mérites. On rencontre certaines fois des moulins isolés mais de grandes dimensions et d'autres fois un alignement de petits moulins comme ci-dessus. Le respect de la culture que je viens visiter m'amène à me plier à ce petit rituel du mieux que je peux.

Juste derrière la porte, nous amorçons la descente d'un grand escalier parcouru dans les deux sens aussi bien par les hommes que par les animaux de bât.

Escaliers assez raides juste après l'entrée dans le parc national

Au bas de l'escalier, nous dépassons des rhododendrons en fleurs (il y en a beaucoup dans le parc national à cette époque), puis une très grosse pierre mani avant de traverser un petit village-rue. Juste après celui-ci, le chemin franchit à nouveau la rivière Dudh Koshi Nadi. Et qui dit franchissement, dit pont suspendu. Admirez comme il est beau celui-là :

Le pont suspendu de Jorsale au-dessus de la Dudh Koshi Nadi

Une fois franchi, nous poursuivons notre progression le long de la rivière.

12h45 : Nous traversons le village de Jorsale, similaire aux précédents mais avec toujours cette ambiance particulière liée à sa situation.

Le village de Jorsale (2740m)

13h00 : nous amorçons la dernière ligne droite (et relativement plate) avant le dernier pont suspendu.

Le chemin longeant la Dudh Koshi Nadi

13h15 : ça y est le pont suspendu Larja est en vue. Il était annoncé comme le plus impressionnant du parcours Lukla-Namche. A vous de juger :

Vue sur le pont Larja et la Dudh Koshi Nadi

15 minutes de marche nous sont encore nécessaires pour parvenir à l'entrée du pont. Nous gravissons pour cela une série d'escaliers en faisant des haltes régulières pour laisser descendre les porteurs, les trekkeurs et les convois de dzos et ânes.

Escaliers de pierre, Larja bridge, montée sur Namche Bazar et Bhote Koshi Nadi    Le pont Larja surplombant la Dudh Koshi Nadi (2830m)

13h35 : nous franchissons le pont. Le plus dur est en fait à venir...

Le pont Larja surplombant la Dudh Koshi Nadi (2830m)    Le pont Larja en surplomb

La descente de l'autre pile du pont est vraiment très impressionnante car très raide. L'autre hic, c'est qu'on entend la caravane qui nous suit se rapprocher. Impossible de s'arrêter en cours de descente. Il faut en fait bien se concentrer et prendre son temps lorsqu'on a le vertige. Et finalement on s'en sort plutôt bien.

Escaliers très raides au bout du pont Larja    Escaliers très raides au bout du pont Larja

A partir de maintenant, il nous reste deux heures de montée à travers une forêt de conifères pour atteindre notre destination. Nous rattrapons rapidement un grand groupe de trekkeurs anglophones et restons temporairement derrière eux. Temporairement parce qu'une pluie fine mais persistante ne tarde pas à s'abattre sur nous et à venir changer le programme de chacun.

Nous avons déjà essuyé quelques gouttes lors de l'approche du pont Larja qui nous avaient contraints à sortir nos ponchos. Dorénavant ceux-ci sont plus que souhaitables, surtout que les précipitations se transforment en orage de grêle. Nous trouvons un abri provisoire sous un groupe d'arbre. Des porteurs sont à côté de nous sans vêtement de protection, Pasang lui non plus n'en a pas. Je lui prête un vieux K-way avec capuche et retire mon poncho pour en faire un toit. Puis j'invite des porteurs à venir s'abriter un peu mieux. Et nous attendons. Nous attendons plusieurs minutes que l'orage se calme.

Cet épisode nous fait prendre pleinement conscience de notre petitesse et de notre fragilité face à la Nature. C'est elle qui dicte et qui dictera le rythme de notre progression, pas nous. Nos guides et nous-même en sommes parfaitement conscients. A la première accalmie, nous reprenons tous le chemin.

La forêt commence à se faire plus claire, puis à s'écarter du chemin. Nous sommes alors à flanc de montagne. Nous apercevons aussi une chaîne de montagnes qui nous fait face : la chaîne du Chamunaparo Danda, haute, droite, fière et sauvage.

La chaîne du Chamunaparo Danda

Une première habitation se dresse un peu plus loin au milieu de nulle part. Nous y faisons halte comme tout le monde. Je crois qu'il s'agit d'un bureau d'enregistrement du Parc National et qu'il faut montrer les permis de trek. Mais ça, c'est Pasang et Dorje qui s'en occupent. La pause dure quelques minutes à l'issue desquelles nous repartons. Nous découvrons très vite au détour d'un virage le village de Namche Bazar. Impressionnant.

Namche Bazar vue depuis la ville basse (3440m)

Située à 3 440m d'altitude, dans une espèce de dépression en forme de fer-à-cheval, Namche Bazar apparait aux yeux du nouvel arrivant comme une véritable petite agglomération en raison de la densité de son habitat et de son étendue. Rien de comparable avec les villages que nous avons traversés depuis Lukla. Les lodges, les restaurants, les magasins de souvenirs et d'articles de sport sont légions ici. On trouve également un petit aérodrome, un bureau de poste, des cybercafés et des lignes téléphoniques vers l'international pour ne citer que ce que j'ai pu apercevoir. La "capitale du pays sherpa" bénéficie directement de l'essor du tourisme d'aventure dans le Haut-Khumbu et ça se voit. Mais dans le même temps, elle a su conserver son identité puisqu'on rentre dans la petite ville par une porte "bouddhique" traditionnelle et qu'on aboutit alors à un grand stupa entourée de dizaines de moulins à prières.

Nous contournons le stupa par la gauche (vous ne l'aviez pas oublié quand même) et certains d'entre nous actionnnent les moulins à prières sur trois faces du stupa. Seules les mules semblent avoir un passe-droit et s'épargnent le contour.

Moulins à prière sur la partie basse du stupa de l'entrée de Namche Bazar    La partie basse de Namche Bazar, la chaîne du Chamunaparo Danda et le Nupla (5885m)

Après avoir gravi plusieurs séries de marches, nous pénétrons dans des ruelles foisonnantes et gagnons notre lodge sur les hauteurs de la ville. Nous dormirons ce soir au Himalayan Culture Lodge, un hébergement simple et rustique, mais qui contient tout le nécessaire.

Une ruelle commerçante de Namche Bazar

Information : Le prochain article (2ème partie) sera consacré à Namche Bazar et sa région qui ont été les lieux de notre acclimatation. Nous partirons sur les traces de Sir Edmund Hillary et de la culture sherpa à travers les villages reculés de Khumjung et Khunde. Nous pourrons aussi bénéficier d'une première vue sur le massif de l'Everest, le toit du monde...

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