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Le tour du monde en 80 clics
15 décembre 2013

La Tanzanie, retour aux origines

La Tanzanie est un pays d'Afrique de l'Est encore largement méconnu du grand-public. Elle possède pourtant sur son territoire des sites à la renommée internationale tels que l'île de Zanzibar, le mont Kilimanjaro, le cratère du Ngorongoro ou le parc du Serengeti. Rien n'y fait... le Kenya voisin éclipse amplement cette destination dans l'esprit et le coeur des touristes.

Localisation de la Tanzanie

La situation semble néanmoins en train de changer progressivement. Les attaques récurrentes survenues à Nairobi, la capitale kenyane, ces dernières années, et les incursions répétées des shebabs somaliens sur son territoire contribuent à détériorer le sentiment de sécurité qui règnait dans ce pays. A l'opposé, la Tanzanie apparait de plus en plus comme un havre de paix à l'abri de ces sinistres faits divers.

La Tanzanie peut aussi compter sur plusieurs atouts non négligeables : la diversité de ses 120 groupes ethniques, chacun doté de leur propre culture et traditions, l'abondance de sa faune sauvage, la beauté déroutante de ses paysages naturels, la richesse de son histoire... ou plutôt de notre histoire puisque l'humanité serait apparue au coeur de la Great Rift Valley.

Sisals, paysage de savane et village masaï    Travaux des champs (labour)

Un troupeau de zèbres de Burchell dans la brousse et devant la dépression du Rift    Deux lionnes scrutant des troupeaux d'herbivores

Le présent article sera consacré à la région d'Arusha au nord du pays, région dans laquelle j'ai eu la chance de me rendre en février 2012. Elle renferme en effet deux sites d'intérêt majeur à mes yeux :

- le Kilimanjaro, toit de l'Afrique du haut de ses 5 895 mètres,

- le cratère du Ngorongoro, une sorte de jardin d'Eden à la faune incroyable.

Bien entendu, nous aurions aussi pu parler du Serengeti et de sa grande migration annuelle de millions de gnous vers la rivière Mara, ou du lac Natron et de son volcan Oldonyo Lengai sacré chez les Masaïs, ou encore des gorges d'Olduvai considérées comme le berceau de l'Humanité et le fief des archéologues Leakey. Mais ne vaut-il pas mieux parler de ce que l'on connait réellement ?

Le Kilimanjaro

Vous avez probablement déjà vu cette photographie d'un couple de girafes ou d'éléphants marchant dans la savane au milieu des acacias épineux avec le Kilimanjaro pour arrière-plan. Aussi caricaturale soit-elle, cette image retranscrit bien une réalité : le Kilimanjaro est un géant de pierre et de glace posé au beau milieu de la savane. Il est une espèce d'anomalie ou d'ovni géologique. Il est surtout la plus haute montagne isolée au monde et le toit de l'Afrique. Autant dire qu'il succite la convoitise des adeptes du trekking.

Vue sur le Kilimanjaro depuis la route entre K.I.A. et Arusha

Les aspirants à l'ascension sont ainsi nombreux, mais le taux d'échec est important. La faute au manque de préparation et à l'insouciance des touristes ou de certaines agences. Il ne faut pas oublier que l'ascension conduit dans un univers de haute montagne et donc que l'organisme sera mis à rude épreuve. Il est également nécessaire de posséder des équipements adéquats, de prévoir et porter sa nourriture, d'être accompagné d'un guide expérimenté. A l'inverse, il ne faut pas non plus dramatiser outre mesure : l'ascension reste accessible à tout marcheur en bonne condition physique.

Le top reste de bénéficier de l'appui d'une équipe locale. Celle-ci se composera d'un ou plusieurs guides selon la taille du groupe, d'un cuisinier (votre meilleur ami durant l'ascension) et d'un certain nombre de porteurs (eux aussi sont vos meilleurs amis). 2 à 3 porteurs par personne sont généralement la norme car la charge de chacun est attivement scrutée et contrôlée. Au final, vous vous retrouverez plongé au sein d'une petite expédition :

La dream team qui a permis le succès de notre ascension

Quelle que soit la voie empruntée, la 1ère étape incontournable se situe au niveau de la porte d'entrée du parc national du Kilimanjaro. C'est sans doute là que vous retrouverez la plus grande partie de votre équipe, les porteurs notamment. Les charges des porteurs y sont pesées avec minutie afin de s'assurer qu'elles ne dépassent pas un certain poids règlementaire et qu'elles sont équitablement réparties. Il faut également signer un registre et remplir certaines formalités. Des droits d'entrée (environ 60$ US en 2012 par jour et par personne) doivent ainsi être acquittés au préalable. L'accès à la montagne fait en outre l'objet de quotas quotidiens afin de limiter l'érosion causée par les 25 000 visiteurs annuels et de préserver le milieu naturel. Le cheminement est ensuite rigoureusement encadré et il faut signer des registres à chaque étape, bivouac ou refuge.

La pesée des charges des porteurs - Londorossi Gate (1800m)

Les formalités remplies, votre minibus vous conduira au point de départ de votre voie. - Je parlerai dans la suite de cet article de la voie Shira puis de la Western Breach que j'ai empruntées lors de mon ascension. - Le minibus traverse dans un premier temps des terres déboisées et des champs, puis il pénètre progressivement dans la forêt équatoriale. Le point de départ se trouve dans cette zone forestière. Il est probable que vous y prendrez votre déjeuner et les moustiques le leur.

Champs à proximité de Londorossi Gate    Finalisation des préparatifs au point de départ du trek

La 1ère étape se déroule intégralement dans la forêt équatoriale. Le sentier serpente au sein d'une végétation dense et luxuriante. C'est l'occasion de découvrir la faune et la flore typiques de cet écosystème : fougères arborescentes, orchidées, lianes, fourmis, ... Le dénivelé est important et la pente quasi-continue, mais l'étape est plutôt courte et le rythme assez lent pour se mettre en jambes.

Une Fireball Lily (Scadoxus multiflorus)    Une colonne de fourmis

Forêt équatoriale    Cheminement à travers la forêt équatoriale

Cette première journée se termine au Forest Camp à 2 900m d'altitude. Sachant que la porte de Londorossi se situait à 1 800m, j'ai été surpris par l'affluence dans ce camp. Pour autant, à condition que vous ayez choisi la bonne agence de trekking, le confort est au rendez-vous : nos tentes igloos 3 places étaient déjà installées à notre arrivée, de même que la tente mess ; le diner concocté par notre cuisinier était excellent et surprenant (du poisson !).

Nos tentes - Forest Camp (2900m)    La tente mess - Forest Camp (2900m)

La deuxième journée se décompose en trois temps : vous poursuivez d'abord votre marche dans la forêt équatoriale jusqu'à atteindre un pallier écologique. Les arbres disparaissent alors quasiment d'un seul coup, et vous débouchez sur une savane de bruyères sur les contreforts du plateau de Shira. La végétation y est très dense et parfois si haute que votre vue se limite à un couloir végétal. Le terrain devient très vallonné avec des montées et des descentes en plein soleil. Dans la dernière heure, vous débouchez sur le plateau de Shira. La végétation change à nouveau et laisse la place à de grosses touffes d'herbe hirsutes. Le dénivelé est nul sur cette section.

Forêt équatoriale    Savane de bruyères sur les contreforts du plateau de Shira

Savane de bruyères sur les contreforts du plateau de Shira    L'équipe de porteurs d'une agence américaine dans la savane de bruyères

Le plateau de Shira    Cheminement au milieu des hautes herbes du plateau de Shira

A votre arrivée au camp de Shira 1, il faudra penser à signer le registre avant de rejoindre votre zone de campement. Les tentes seront bien entendu déjà montées et votre déjeuner vous attendra. Le nombre de trekkeurs est là encore très important mais l'étendue du plateau de Shira rend ce campement plus modeste que celui de la veille au soir dans la forêt. Quant à l'après-midi, elle est totalement libre afin de favoriser votre acclimatation. Des membres de mon groupe ont par exemple choisi de se reposer ou de bouquiner tandis que d'autres (dont je fais partie) se baladaient. Ne vous attendez pas en revanche à admirer le sommet du mont Kibo car celui-ci est souvent masqué par les nuages entre 10h et la nuit. Les fenêtres d'observation sont courtes car le sens des nuages bouge en permanence.

Bruyère et roches volcaniques aux alentours de Shira I Camp (3620m)    Le plateau de Shira et une fenêtre sur le mont Kibo

Le troisième jour débute par une leçon basique : à 3 620m d'altitude, il fait froid la nuit ... même en Afrique. En sortant de votre duvet, vous observerez probablement du givre à l'intérieur de votre toile de tente. C'est le résultat normal de votre respiration nocturne. Mais cela n'a rien à voir avec le spectacle à l'extérieur de votre tente où une couche de givre recouvre tout le paysage alentour. Couvrez-vous donc tant que le soleil ne s'est pas levé et profitez-en pour admirer le mont Kibo totalement dégagé à cette période de la journée (enfin si vous ne faite pas de grasse matinée).

Lever du jour sur Shira I Camp (3620m)    Lever du jour sur le mont Kibo et le plateau de Shira

Après le lever de l'astre diurne et le petit déjeuner, vous terminez la traversée du plateau de Shira au milieu de la même végétation rase que la veille. Vous traversez une petite rivière et une piste en terre - éléments suffisamment rares pour être signalés. Commence alors la montée vers Moir Camp, votre destination de ce jour (4 200m).

Shira I Camp (3620m) et le plateau de Shira    Un cours d'eau traversant le plateau de Shira

Bois et lichens sur le haut du plateau de Shira    Montée vers Moir Camp

Arrivée sur Moir Camp (4200m)

Les quelques photos suivantes illustrent la faune et la flore caractéristiques de cette section :

Plante à fleurs jaunes très courante sur le plateau de Shira    Helichrysum brownei

Un papillon blanc    Une lobélie et une lobélie géante (lobelia deckenii)

L'après-midi est libre. Il est probable que l'on vous proposera une petite marche d'acclimatation sur les hauteurs après une longue phase de récupération. Celle-ci consiste à monter un peu plus haut que là où vous dormirez ce soir afin d'aider votre organisme à s'adapter aux contraintes de l'altitude. J'ai déjà eu l'occasion d'apprécier les bienfaits de cet exercice sur la qualité de mon sommeil. Mais ce jour-là, rien de tel. Au contraire, en cours de montée, j'avais cette sensation de tête prise dans un étau, des nausées et un manque flagrant d'énergie et d'appétit. Autant de symptômes qui ont duré jusqu'à tard dans la nuit.

Je ne saurai que vous conseiller d'être prudent sur cette étape et de marcher lentement, voire de la diviser en deux (comme cela était prévu dans mon programme) afin de favoriser votre acclimatation. C'est en effet à partir de cette étape que j'ai commencé à ressentir des maux de tête la nuit et cela ne m'a plus quitté jusqu'au sommet. Rien d'inquiétant selon notre chef d'expédition qui nous mesurait taux d'oxygène dans le sang et pouls chaque soir (85% pour le 1er indicateur et environ 90 pulsations au repos pour moi ce jour-là). Mais sentir chaque battement de vos tempes n'est pas quelque chose de particulièrement agréable au moment de dormir. Bien sûr, chaque individu réagit différemment et la plupart des autres membres du groupe allait plutôt bien. Soyez néanmoins prudent et ne vous surestimez pas.

La 4ème journée débute comme la précédente ... par une couche de givre sur les tentes. Il faut ensuite se préparer en vue du petit déjeuner et du départ : toilette rapide, rangement des sacs et étalage des tentes pour les faire sècher un peu. Mon mal de tête a disparu. Aux environs immédiat du campement se trouvent quelques curiosités insoupçonnées : des ossements d'éléphants ! Les pachydermes fréquentaient en effet cet endroit dans le passé. Le petit déjeuner est servi en extérieur, le soleil chauffant rapidement. C'est une opportunité et une expérience incroyables que d'être attablé en plein air sur les flancs du Kilimanjaro de si bon matin (comparativement avec mes petits déjeuners habituels).

Nos tentes givrées à Moir Camp (4200m)    Ossements d'éléphants

L'étape d'aujourd'hui commence d'emblée par une montée. La progression est très lente, altitude oblige. Cela laisse le temps d'observer le mont Kibo vers lequel nous cheminons. Plus nous montons, plus celui-ci disparait derrière des falaises que nous allons contourner toute la matinée. Le paysage est très minéral pour ne pas dire carrément volcanique, avec des pierres éparpillées un peu partout. La végétation se fait dans le même temps beaucoup plus rare et beaucoup plus rabougrie. Les nuages remontent rapidement les flancs de la montagne, réduisant la visibilité et créant une ambiance un peu mystique.

Chemin sortant de Moir Camp et le mont Kibo    Vue sur Moir Camp (4200m) et ses alentours

Paysage minéral sur le chemin entre Moir Camp et le col de Lava Tower    Paysage minéral sur le chemin entre Moir Camp et le col de Lava Tower

La dernière montée avant le col de Lava Tower

Après 3h30 de randonnée, nous atteignons notre nouveau campement, Lava Tower (4 650m). Le déjeuner ne tarde pas, et l'après-midi est encore libre. Exaud, notre chef d'expédition, nous conseille de nous reposer jusqu'à 15h avant une balade-escalade au sommet de Lava Tower. Finalement, le départ sera reporté d'une demi-heure à cause d'averses de neige, puis de pluie. La visibilité est très réduite, la montée glissante avec quelques passages où il faut "mettre les mains". L'intérêt est discutable mais l'exercice facilite encore et toujours notre acclimatation.

Redescente de Lava Tower

Au retour au camp vers 17h, nous prenons une collation rapide, puis je vais faire ma toilette. Le diner est fixé à 18h sous la tente mess. Il est toujours aussi bon et copieux. A 19h, Exaud vient effectuer le second check-up santé. Tout est normal, même si les chiffres n'ont rien à voir avec ceux d'hier : 73% de taux d'oxygène et 112 pulsations. Nous nous couchons à 19h30 car il n'y a pas grand chose à faire à cette altitude dans la nuit et le froid. La récupération est au contraire précieuse en vue des prochains jours.

Comme annoncé précédemment, la nuit a été difficile avec 3 épisodes nauséeux en plus du mal de tête quasi-permanent. Les températures ont en outre fortement chuté puisqu'il faisait 0° dans la tente à 7h. Un bon duvet et des équipements thermiques permettent heureusement de surmonter aisément cette dernière contrainte. Les boissons chaudes sont également très appréciables et efficaces.

L'aube du cinquième jour nous dévoile un nouveau panorama : le promontoire rocheux "escaladé" la veille, le Mont Meru (cinquième sommet du continent), et la Western Breach qui nous mènera jusqu'au cratère.

Le campement de Lava Tower (4650m) avec vue sur le promontoire rocheux    Vue sur le mont Meru (4566m) depuis le col de Lava Tower

Le campement de Lava Tower (4650m) avec vue sur le promontoire rocheux   Le campement de Lava Tower (4650m) avec vue sur la Western Breach

L'étape de ce jour est très courte (à peine 1h) étant donné que la journée de demain sera très longue. La pente est néanmoins forte sur la majeure partie du parcours nous obligeant à faire de tout petits pas et quelques courtes pauses. Le paysage est toujours plus aride et minéral, la végétation de plus en plus rare. Des lambeaux de glaciers sont visibles ici ou là.

Lambeaux de glace sur les pentes du mont Kibo    Randonnée vers Arrow Glacier Camp (4850m)

Vue sur le camp de Lava Tower (4650m) et la montée vers Arrow Glacier Camp    Paysage minéral sur le chemin vers Arrow Glacier Camp

Au camp de Lava Tower en contrebas, le campement est désormais quasi-désert, mais les emplacements des tentes sont nettement visibles avec leurs tâches claires. En amont, les nuages remontent les pentes de la montagne à une vitesse folle. Et effectivement, lorsque nous arrivons au campement d'Arrow Glacier (4 850m) au pied de la Western Breach, la météo change radicalement. Le vent souffle très fortement tandis que la visibilité est réduite par la densité des nuages. On croirait avoir pénétré dans un nouvel univers...

Paysage minéral sur le chemin vers Arrow Glacier Camp    Arrow Glacier Camp (4850m)

Vue sur le relief enneigé du mont Kibo depuis Arrow Glacier Camp (4850m)    Arrow Glacier Camp (4850m)

Installation des tentes, observation de la vie du campement et repos nous mènent jusqu'à l'heure du déjeuner. L'après-midi est dédiée à la récupération jusqu'à 15h, puis nous entreprenons une marche d'entrainement vers la Western Breach. Celle-ci dure 2 heures et nous permet de franchir la barre symbolique des 5 000m d'altitude. Le sentier n'est pas trop compliqué et ne comporte que quelques passages un peu raides. Le paysage est en plus superbe sous le soleil. Mon état de santé étant à nouveau optimal, mes inquiétudes s'éloignent pour l'ascension finale de demain. Quel bonheur d'être ici !

Le chemin menant à la Western Breach    Relief enneigé et éboulis sur les pentes du mont Kibo

La Western Breach

La journée se termine au campement dans des conditions météorologiques instables mais toujours magiques compte tenu du cadre dans lequel nous nous trouvons. Il suffit simplement de savourer.

Vue sur la Western Breach depuis Arrow Glacier Camp (4850m)    Vue sur la Western Breach depuis Arrow Glacier Camp (4850m)

Fin de journée à Arrow Glacier Camp (4850m)    Crépuscule à Arrow Glacier Camp (4850m)

A l'issue du diner, Exaud accomplit le traditionnel check-up de chacun de nous (porteurs compris). Notre état de santé est globalement satisfaisant, même si certains porteurs ont déjà dû redescendre à cause du mal des montagnes. Il nous distribue ensuite des encas pour demain et nous demande si nous souhaitons passer une nuit dans le cratère sommital comme le prévoit notre programme. Nous décidons collégialement de tenter l'expérience sans vouloir forcer la main à nos porteurs. En conséquence, nous ferons l'ascension avec une équipe réduite tandis que nos autres compagnons rejoindront Barafu Camp où nous les retrouverons dans deux jours.

Ce soir-là, nous nous couchons à 19h30 en prévision du lever très matinal du lendemain. En théorie, il faut en effet se lever tôt pour cette sixième journée d'ascension. Mais il faut aussi et surtout savoir s'adapter aux conditions climatiques. Le vent souffle très fort (et cela va durer toute la nuit) et il a un peu neigé depuis cet après-midi. Exaud décide donc de reporter l'heure de départ pour que la température grimpe un peu.

Nous nous levons à 6h ce dimanche 19 février. Il fait 0° de la tente, et devinez quoi ... j'ai mal dormi à cause de mon mal de tête nocturne. Je ne me sens pas trop fatigué pour autant et le lever me fait du bien. Je fais ma toilette et prépare mon sac avant de contempler l'aurore sur la plaine tanzanienne et le campement.

Lever du jour sur Arrow Glacier Camp (4850m)    Lever du jour sur Arrow Glacier Camp (4850m)

Nous prenons un petit-déjeuner rapide et entamons l'ascension à 7h. La progression en file indienne au milieu des éboulis est à la fois lente (si l'on se fie au rythme de nos pas) et rapide (lorsque l'on mesure le chemin parcouru). Nous marquons des pauses régulières, aussi bien pour nous ménager que pour profiter du panorama à couper le souffle.

Début de l'ascension vers la Western Breach    Approche de la Western Breach

La montée dans les éboulis jusqu'à la Western Breach    Relief enneigé et éboulis sur les pentes du mont Kibo

De temps en temps, la pente s'incline très fortement sur une courte portion, nous obligeant à trouver un nouveau centre de gravité. Je suis admiratif de l'exploit que réalise l'ensemble des porteurs.

Le début de la Western Breach    Vue sur les pentes du Kilimanjaro, la plaine et le Mont Meru

Vue sur les pentes du Kilimanjaro, les nuages et le Mont Meru

La Western Breach est désormais juste devant nous. Nous nous y engouffrons après avoir enfilé un casque (pour se protéger des éboulis). Le sentier est bien balisé et relativement sécurisé entre les parois rocheuses. Le sommet est tout proche. Le moral est donc au beau fixe mais mon énergie s'amenuise rapidement. Heureusement nous faisons une petite pause pour prendre des encas.

La marche reprend pour les derniers mètres. Notre environnement change peu à peu jusqu'au sommet où nous pénétrons d'un coup dans un nouvel univers. Lorsque je regarde en arrière et en contrebas, je me rends d'abord compte que nous sommes maintenant très au-dessus des nuages. La sensation est très difficile à décrire mais on a en quelque sorte l'impression de voler et de contempler le plancher des vaches depuis le ciel. Face à nous, dans le cratère, nous découvrons ensuite un nouveau monde stupéfiant : un glacier majestueux se dresse au milieu d'une plage de cendres et de pierres volcaniques. On se croirait carrément sur une autre planète. Allo Houston ???

La Western Breach    La Western Breach et le relief enneigé avoisinnant

Un glacier dans le cratère (5700m)    Un glacier dans le cratère (5700m)

A peine parvenu au sommet, mes forces m'abandonnent d'un coup. Je rejoins difficilement notre campement blotti au pied de la dernière montée et m'allonge par terre. Je reste là sans énergie pendant une bonne demie-heure. Le bilan santé réalisé par Exaud n'indique rien d'inquiétant. Il me préconise donc du repos. Une membre du groupe me donne aussi plusieurs encas sucrés. Il s'avèrera que c'était une hypoglycémie très forte. J'en ai déjà eu lors de mes précédents voyages mais celle-ci a été beaucoup plus forte sans doute à cause de l'altitude et de la fatigue accumulée ces dernières nuits. Pour autant, je souhaite insister sur le fait que cette ascension est réalisable par toute personne en bonne condition physique et que la récompense est évidente. Jugez-en par vous-même :

Le campement à 5700m au pied de la montée finale    Panorama sur le glacier et le cratère depuis le campement (5700m)

Nous déjeunons pour reprendre des forces, avant de faire une petite sieste jusqu'à 15h. Puis nous décidons de réaliser l'ascension finale avec les porteurs volontaires vu que nous dormirons ici ce soir. Nous grimpons la pente enneigée qui surplombe le camp et débouchons sur le plateau final vers 15h30 environ. Il nous reste plus que quelques mètres à parcourir pour atteindre le sommet à 5 895m. C'est chose faite à 15h44. Une victoire due largement à notre équipe locale incroyable et très dévouée. Merci à chacun de ses membres et bravo !!!

Panorama sur le campement, les glaciers et le cratère    Phase finale de l'ascension vers Uhuru

Derniers mètres    L'équipe des guides et porteurs parvenus au sommet (5895m)

Le froid vif accentué par le vent et le mal de tête ne gâchent pas ce moment magique, mais ils nous incitent à rentrer après une incontournable session d'observation et de photographies. Nous longeons le chemin de "crête" jusqu'à Stella Point (5 756m). C'est le point par lequel arrive la plupart des trekkeurs. Tout du long, le paysage et les couleurs sont incroyables.

Panorama sur les glaciers et le cratère depuis le sommet du mont Kibo    Un glacier légèrement en contrebas d'Uhuru

Panorama sur les glaciers et le cratère depuis le sommet du mont Kibo    Un glacier légèrement en contrebas d'Uhuru et vue sur la plaine

Panorama sur le glacier et le cratère depuis le campement (5700m)

Guidé par Edouard, nous parvenons au camp vers 17h. Celui-ci est situé à 5 700m d'altitude. Nous serons donc au plus près des étoiles ce soir.  Le diner est servi de bonne heure pour permettre à tout le monde de se reposer. Bien entendu, la journée s'achève sur le check-up santé avec des résultats plutôt bons : taux d'oxygène entre 58% et 60%, pouls à environ 110. Lorsque nous regagnons nos tentes pour la nuit vers 19h30-20h, il neige faiblement. Quelle journée exceptionnelle ! 

Pour la septième journée de trek, place à la nouveauté. A cause de la neige d'abord : lorsque nous sortons de nos tentes ce matin, le paysage est enchanteur ainsi saupoudré de flocons. Nous renonçons en revanche à retourner au sommet en raison du froid ambiant. Nouveauté également car nous allons entreprendre la descente après six journées ininterrompues d'ascension. Et quelle descente ! Nous allons quitter notre camp situé à 5 700m pour rallier celui de Mweka Hut à 3 100m. Une excellente occasion de découvrir ou redécouvrir certains de vos muscles et tendons. Une excellente occasion aussi de changer de vêtements plusieurs fois dans la journée au fil des changements de climats et d'écosystèmes.

Cratère enneigé suite aux averses de neige de la nuit    Le chemin du lendemain pour redescendre et quitter le cratère

La voie Mweka pour la descente en contrebas de Stella Point (5756m)    Paysage de bruyère entre Barafu Camp et Mweka Hut

Seul impératif de ce jour, nous avons rendez-vous avec notre équipe à Barafu Camp pour le déjeuner. Nous cheminons donc toute la matinée par petits groupes, chacun avançant à son rythme. Nous croisons pas mal de monde sur la première partie du trajet (ce sont les trekkeurs qui grimpent jusqu'au sommet), puis la fréquentation diminue sensiblement par la suite. Le paysage suit quant à lui l'évolution inverse de la montée : la neige et la rocaille cèdent progressivement la place à une végétation toujours plus dense et haute. Qu'il est stupéfiant d'assister à une telle métamorphose en quelques heures à peine !

Nous nous retrouvons tous comme prévu vers 13h pour le déjeuner. Notre cuistot nous a une nouvelle fois gâté puisque nous pouvons mettre les pieds sous la table sans attendre. Notre aire de pique-nique est située au milieu des broussailles et arbustes. C'est un vrai plaisir de les retrouver après quelques jours d'absence. Ces éléments végétaux apportent en effet de la vie à cet univers minéral qui caractérise la haute montagne.

La pause s'étale jusqu'à 14h30, puis la randonnée reprend pour 1h30 à 2h de marche jusqu'à Mweka Camp. Ce dernier site est immergé dans une forêt sèche. Autant dire que le cadre n'a plus rien à voir avec celui de ce matin. Nous prenons possession de nos tentes et en profitons pour faire notre toilette et nos sacs. Nous nous regroupons ensuite sous la tente mess pour un apéro avec jus de mangue et pop corn. Nous avons visiblement été ravitaillés en produits "frais". Le diner qui suit est succulent.

Le dernier bilan de santé est une formalité sans doute destinée à éveiller chez nous un quelconque sentiment de nostalgie. Bilan : 89% de taux d'oxygène et un pouls de 90. Parfait. Lessivés, nous partons nous coucher peu avant 20h par une température agréable. Encore de la nouveauté...

Le huitième et dernier jour commence à 7h. Le petit-déjeuner est fixé à 7h30 et est suivi d'une séance photos avec notre équipe de 14 personnes.

Notre dream team qui a permis le succès de notre ascension

La descente finale, effectuée exclusivement dans la forêt équatoriale, est très rapide mais éprouvante. La faute aux nombreuses marches inégales et glissantes nécessitant une vigilance permanente, à notre rythme effréné et à la fatigue qui en découle.

Un arbre entortillé    Descente dans la forêt équatoriale

Forêt équatoriale    Derniers mètres avant l'arrivée

Nous clôturons notre trek à 10h32 le mardi 21 février et replongeons immédiatement dans la réalité. Un nuage de vendeurs nous attend sur les derniers mètres du parcours à Mweka Gate. L'effervescence, l'agitation, le bruit qui règnent à cet endroit me parviennent comme autant d'agressions après la parenthèse paisible et enchantée (bien qu'exigeante) que nous venons de vivre. Le décalage est trop grand trop rapidement.

La porte Mweka, point final du trek

Nous allons signer le registre, puis retrouvons toute notre équipe dans un village en contrebas. Nous leur payons un pot pour les remercier de leur dur labeur (en plus du pourboire remis discrètement par notre guide). Puis nous reprenons la route pour Arusha, la grande ville du coin. C'est la fin d'une belle aventure.

 

Le cratère du Ngorongoro

La Ngorongoro Conservation Area (NCA) est un espace de 8 300km² considéré comme une Réserve de biosphère internationale. Elle permet à ce titre aux hommes et à la faune sauvage de cohabiter harmonieusement sans nuire ni détruire leurs habitats respectifs. C'est là une différence majeure avec les parcs nationaux classiques qui excluent systématiquement les populations locales de leur territoire originel. Aujourd'hui, 42 000 pasteurs masaï peuplent ainsi la NCA avec leur bétail (considéré comme sacré par cette ethnie). Il y côtoient des Datoga et Hadza en nombre plus limité.

La NCA est en outre incrite au Patrimoine mondial de l'Unesco afin d'en assurer la préservation pour les générations futures. Il faut dire que cette zone abrite des trésors infiniment précieux :

- Laetoli et les gorges d'Olduvai sont deux sites paléontologiques majeurs à l'échelle de notre planète. Le premier regroupe un des vestiges les plus anciens de l'humanité : trois empreintes de pas d'un Australopithecus afarensis datée de 3,6 millions d'années et conservées dans une roche volcanique. Le second site a permis de grandes avancées dans notre compréhension de l'évolution humaine avec par exemple la mise au jour en 1959 d'une mâchoire d'Australopithecus boisei par Louis et Mary Leakey. Cette découverte apparemment anodine a pourtant repoussé d'1,5 million d'année la visibilité sur les origines de notre espèce.

- les cratères du Ngorongoro, de l'Embakaai et d'Olmoti sont quelques uns des témoins d'un phénomène géologique global : la tectonique des plaques. Plus précisément, tous sont la résultante de ce mécanisme complexe et sont situés sur le versant oriental de la Vallée du grand Rift, cette zone d'extension intracontinentale unique au monde et véritable épine dorsale de l'Afrique.

- certains complètent cette liste avec le volcan Oldonyo Lengai, dernier volcan actif du massif du Ngorongoro et véritable "montagne des dieux" pour le peuple masaï.

 

Je me contenterai de parler ici du cratère du Ngorongoro qui est le seul lieu qu'il m'est été donné de voir et qui est à mes yeux un des joyaux de notre planète (la 8ème merveille du monde prétendent même certains guides et organismes touristiques). Il faut d'abord signaler que ses 19,2 kilomètres de diamètre et ses 304km² en font la "plus grande caldeira volcanique intacte au monde". Le cratère est en outre une sorte de bulle de biodiversité au milieu de notre monde moderne, une espèce de monde perdu protégé par des murailles hautes de 610m et abritant près de 30 000 animaux ! 30 000 vous avez bien lu...

Vue panoramique sur le cratère du Ngorongoro

L'aventure débute aux portes d'entrée du parc auxquelles vous devrez préalablement vous acquitter de droits d'entrée. Votre 4x4 commencera alors immédiatement l'ascension des flancs du cratère au milieu d'une végétation luxuriante. Ouvrez grand vos yeux car des animaux sauvages se cachent parfois près de la piste, voire la traversent. Parvenu au sommet, votre chauffeur marquera un premier arrêt devant une espèce de belvédère. Le panorama est à couper le souffle. Comment imaginer que ce qui se trouve sous vos yeux est une caldeira d'une montagne qui fut peut-être plus haute que le Kilimanjaro voisin ?

Forêt équatoriale sur les flancs extérieurs du volcan du Ngorongoro    Point de vue sur le cratère du Ngorongoro

Point de vue sur le cratère du Ngorongoro    Vue sur l'intérieur du cratère du Ngorongoro et ses troupeaux

Votre 4x4 emprunte ensuite le chemin de crête pour faire le tour de la moitié du cratère. Commence alors la descente à l'intérieur de celui-ci pour une journée de safari extraordinaire !

Forêt équatoriale sur la crête du volcan du Ngorongoro    Forêt lors de la descente dans le cratère du Ngorongoro

La partie finale de la descente dans le cratère du Ngorongoro    Deux buffles africains couchés dans un paysage de brousse

Les herbivores sont extrêmement nombreux et visibles un peu partout dans le cratère. La plupart vivent en groupes clairsemés paissant ou se reposant dans les paysages de savane. Tous sont extrêmement vigilants et guettent le moindre signe de danger, prêts à s'échapper. Mentionnons dans cette catégorie les gazelles de Grant et de Thomson, les zèbres de Burchell, les gnous, les buffles, les bubales, les phacochères pour ne citer que les plus courants.

Une gazelle de Grant en gros plan    Trois zèbres de Burchell dont un zébron

Un bubale de Coke au repos    Des gazelles de Thomson

Un troupeau de gnous bleus avec des jeunes    Une famille de phacochères

Qui dit herbivores, dit prédateurs. Vous ne manquerez probablement pas de croiser des clans de lion lors de votre safari. Les chacals à chabraque et les hyènes sont aussi très visibles, bien que généralement plus solitaires. Il vous faudra en revanche un peu plus de chance pour croiser un guépard, et davantage encore pour assister à une chasse.

Une hyène tachetée en gros plan     Le guépard se camoufle avant de lancer la chasse

Deux lionnes aux aguets     Deux lionnes scrutant des troupeaux d'herbivores

Un chacal à chabraque    Un lion au repos en gros plan

Plus méconnu, les oiseaux sont légions en Afrique en général, et en Tanzanie en particulier. En février 2012, j'ai pu apercevoir des espèces aussi variées que des milans, des faucons, des grues couronnées, des cigognes, des outardes de kori, des pintades d'Afrique, des autruches, des hérons, des hirondelles rustiques, des flamands roses, des ibis, ... Un conseil : méfiez-vous des milans noirs au niveau de la zone de pique-nique. Ces as de la voltige auront tôt fait de vous dérober sous votre nez votre sandwich au poulet (expérience vécue).

Un groupe de grues couronnées    Une pintade d'Afrique

Deux milans noirs posés sur des rochers    Hirondelles rustiques dans les roseaux

Une colonie de flamands roses    Une outarde kori

Deux autruches et un gnou bleu

Au niveau des très grands mammifères, signalons la présence de rhinocéros noirs, d'éléphants et d'hippopotames. Point de girafes en revanche, les pentes du cratères étant trop escarpées.

Deux rhinocéros noirs    Dispute entre deux hippopotames

Hippopotames se baignant dans un étang    Un éléphant dans des marécages

Le safari ne serait pas complet sans la présence de singes. Les troupes de babouins et les vervets sont les espèces les plus communes et sont localisées à certains endroits du parc arborés.

Un vervet ou grivet se désaltérant    Un groupe de babouins en cours de migration

Les photos précédentes vous ont fourni quelques aperçus rapides de ce cratère exceptionnel. Je tiens à clore cet article en soulignant une nouvelle fois le cadre exceptionnel dans lequel vous évoluerez toute la journée : la diversité des paysages est stupéfiante dans un endroit si petit et si confiné.

Un troupeau de zèbres de Burchell dans la savane    Une sente dans la brousse laissée par les animaux

Un bel arbre au bord de l'étang    Un bubale de Coke au repos au bord d'un marécage et d'un lac

Un troupeau de zèbres de Burchell dans la forêt    Un éléphant au fond du cratère

Vue panoramique du fond du cratère du Ngorongoro

 

Pour en savoir plus ...

Si vous souhaitez en savoir un peu plus sur les sites évoqués dans cet article, rendez-vous sur les sites officiels suivants :

- http://www.tanzaniatouristboard.com/ (en anglais uniquement)

- http://www.tanzaniaparks.com/ (en français)

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